JURASSIC - PLONGÉE
Un poisson mal préparé
aurait donné sa vie en vain ?
LU YU (La Sagesse).
La côte africaine sommeillait encore dans l’ombre de la nuit, mais, à l’avant de son cockpit, le regard averti que le pilote de l’Airbus portait sur l’immensité de l’Océan Indien, pouvait déceler les prémices de l’aube qui pointait à l’horizon.
La veille, vendredi en début d’après-midi, le vol hebdomadaire Air France à destination de Moroni, capitale de la Grande Comore, avait quitté l’aéroport d’Orly par une glaciale matinée d’hiver. Notre avion, après plusieurs passages au poste de dégivrage et soixante-et-une secondes d’une interminable course, avait réussi, in-extremis, à s’arracher du tarmac, alors qu’une tempête de pluie et de neige fondue s’abattait sur les pistes.
Ce jour-là, un nombre très restreint de passagers s’étaient embarqués sur ce long courrier. De ce fait, le personnel de bord avait été peu sollicité et avant même l’heure du décollage nous avions pris de temps de sympathiser avec Rudy le Chef de cabine et Colette une charmante et jeune hôtesse.
Le hasard avait bien fait les choses car, tout comme nous, ils étaient des passionnés de plongée sous-marine. À la vue du dessin brodé sur notre tee-shirt représentant une amphore ils avaient deviné que des aspirations communes nous animaient. De ce fait, ils nous prièrent, peu après l’envol, de bien vouloir changer de sièges prétextant que nous pourrions ainsi parler plus aisément ensemble de notre sport préféré. Nous nous sommes donc regroupés dans les places disponibles proches de leur cabine de service, à proximité immédiate de la porte d’accès avant de l’appareil.
En raison de cette bienveillante complicité et pour fêter la rencontre, une première bouteille de Dom Pérignon nous était aussitôt offerte par Lulu, le Commandant de bord, lui-même plongeur chevronné, venu faire notre connaissance. Eh oui! C’était le bon temps d’Air France. Si bien que déjà, avant l’escale de la Californie... mais non... à Nice, nous étions, dans une forme comment dire... pour le moins euphorique!
Quand je dis nous je veux parler de Rara ( Jean-Pierre RAMEAU), Coco, Jean-Michel, Yves et moi-même. Ce voyage était projeté depuis des années et notre rêve se réalisait. Nous allions retrouver l’un de nos anciens moniteurs de Saint-Tropez, le sympathique et déconcertant Jean-Louis GÉRAUD.
Alors qu’il exerçait ses talents d’ingénieur en informatique dans une société multinationale, en début 1978 il avait brusquement donné sa démission puis il avait quitté sa bonne ville d’Orléans dans le courant du mois d’avril. C’est seulement bien plus tard, l’année suivante, que nous avons appris que sa décision de vivre l’Aventure l’avait poussé à rencontrer un certain Robert Denard puis à s’installer aux Comores sous son égide.
Car notre ami s’était parfaitement intégré à la fameuse équipe du Corsaire de la République et avait suivi dans le Canal de Mosambique le déroulement de “l’Opération Atlantide” en tant que photographe exclusif,. A travers l’objectif de son Leïka il avait réalisé un reportage unique et inédit : le débarquement furtif des quarante-trois Mercenaires déguisés en piroguiers sur la plage de la Guinguette à Itsandra, l’arrestation de Ali Soilih (1) l’usurpateur, et sa “tentative d’évasion” au cours de laquelle il fut abattu... le retour du Président Ahmed Abdallah (2) sous les ovations du peuple, la création de la Garde Présidentielle, la prise officielle du pouvoir... à la grande satisfaction du gouvernement français.
Très spirituel et sûrement bien intentionné, l’un de nos honorables correspondants, n’avait pas hésité à rebaptiser l’affaire “Opération pour le Cheik”. Pas très sympa envers Bob Denard ! Pour financer le coup, notre célèbre chef de guerre avait hypothéqué l’ensemble de ses biens et raclé ses fonds de tiroirs.
L’on connaît la suite ...!
Les événements de restauration du pouvoir terminés, Jean-Louis avait bénéficié d’une autorisation présidentielle de séjour sur l’ensemble de la jeune République Fédérale Islamique. Ngazidja, la Grande Comore, avait été choisie sur le conseil de son protecteur afin de créer une base de plongée qui pourrait servir à l’entraînement de ses soldats. Une base de plongée sous-marine avait donc été aménagée sur la côte ouest de l’île, face à l’Afrique. Aux abords immédiats de Moroni, dans une petite palmeraie longeant le littoral, un hôtel-restaurant dénommé “Le Coelacanthe” accueillait donc, sur le bord de la piscine en réfection prolongée, une École de Plongée. Depuis la mise en service cette dernière fonctionnait avec des équipements plutôt fatigués. Comme d’ailleurs la vétuste mais increvable Renault 4 L dont le boss se servait chaque jour pour trimballer clients et matériel sur la route longeant le bord de mer afin de rejoindre les divers sites de plongée.
Il n’en fallait pas plus, avec l’enthousiasme et le dynamisme de notre copain, pour motiver quelques soldats, ses anciens camarades, à plonger avec lui.
L’essentiel était atteint, l’école fonctionnait sous les couleurs de la FFESSM (3) malgré le manque évident de clientèle. Le courage et la persévérance, furent, à vrai dire, ses deux seuls atouts, car en cette période tourmentée diverses catastrophes s’étant succédées : éruptions volcaniques, coup d’état, déclaration hâtive de l’indépendance, révolution, famine... les voyageurs évitaient ce coin de paradis perdu au large de l’Afrique. Aussi la politique des nouveaux dirigeants prévoyait-elle en priorité un programme d’ouverture au tourisme des Iles de la Lune (4).
Après escale à Djeddah en Arabie et à Dar-es-Salaam en Tanzanie, soit, depuis Paris, quinze heures passablement... fatigantes, notre hôtesse nous arrache avec difficultés d’un pâteux sommeil afin que nous puissions admirer le lever du jour sur l’Océan Indien.
Spectacle fabuleux, le début du monde!
Dans cette nuit sans lune, le noir insondable de l’océan se confondait encore avec la voûte céleste. Seules quelques rares étoiles scintillaient à l’horizon encombré de brumes tropicales. Une sombre lueur indigo semblait vouloir se propager d’un point confus de l’espace et se répandre imperceptiblement sur la ligne indéfinie des flots. D’abord tache d’un mauve profond, puis d’une intensité virant au lilas, une confuse nuée pourpre s’infiltra, créant les cieux incertains de l’aurore. Une lueur orangée se propagea. En son centre inférieur, un point d’or lapidaire s’incrusta et, tel un éclat vermeil, jaillit soudain hors de l’ombre. S’agrandissant dans une démesure flamboyante il embrasa le monde avec une majestueuse et rayonnante lenteur. L’astre du jour renaissait et dévoilant la mer infinie, il s’élevait dans l’azur, subtile splendeur matinale des tropiques.
Le temps de prendre un petit déjeuner réparateur et nous survolions le massif volcanique du Kartala (5) car l’avion effectuait le tour de l’île avant d’atterrir en douceur sur la piste de l’Aéroport International de Hahaya.
A l’ouverture de la porte de l’appareil, une surprise nous attendait.
Un superbe et rutilant tapis, du plus beau rouge présidentiel jamais vu, recouvrait les marches de l’escalier mobile et se déroulait jusqu’au bâtiment de l’aéroport. En outre, s’offrant à nos yeux étonnés, une fanfare aux uniformes resplendissants prenait place dans l’ombre, sous l’aile de l’Airbus. A peine étions-nous dans l’encadrement de la sortie, que, sur un geste du Chef de musique, éclatèrent les brillants flonflons de la triomphale Marche de Radetsky du père Strauss. Quelque peu revu et corrigé à la comorienne, ce classique était devenu, croyez-moi, plus qu’impressionnant... Pathétique.
Incroyable ce Jean-Louis... quand même, il fait fort...! Nous l’apercevons au bord du tarmac précédant la petite foule avide d’aller à la rencontre des passagers... Il nous adresse de grands signes d’amitié. Nous restons stupéfaits d’un tel accueil. Tout le Comité des Fêtes est mobilisé en l’honneur de notre arrivée.
Quelle réception. C’est trop !
Enfin, c’est tout lui. Que voulez-vous, il est comme ça notre ami ... ! Toujours des idées pas ordinaires en tête. Bravo ! Bravissimo !!
Alors que nous sommes sur le point de franchir le seuil de l’appareil en vainqueurs (... de je ne sais trop quoi, d’ailleurs) et que nous levions les bras au ciel pour être dans le ton, une bousculade se produit derrière nous. Sans un mot, quatre sinistres voyageurs du genre malappris et très pressés, déguisés en malabars noirs à cheveux ras, nous refoulent dans la cabine. Bon...! Ils veulent très certainement être les premiers à descendre et ainsi... faire figures de vedettes...
- Je vous en prie... Mais oui les gars, vous gênez pas. C’est ça, faites comme chez vous s’exclame Rara.
Les costauds s’arrêtent subitement sur la plate-forme au sommet des marches. Et là ... ils se retournent vers nous. Malaise! Notre sourire goguenard disparaît. Spontanément nous regagnons nos sièges tout proches.
Au grand complet l’équipage du jet a pris place sur le côté de la sortie et se fige en un garde à vous impeccable. Le regard sombre et persuasif de Rudy nous intime l’ordre de ne pas bouger. Le commandant Lucien Picollier (6), avec un sens inné de la mise en scène théâtrale, ouvre avec précautions le rideau séparatif et dévoile le compartiment première classe.
Il rectifie sa position, salue et avec compétence et distinction déclame : "Monsieur le Président, les Notables de la République Fédérale Islamique des Comores, vos fidèles sujets, sont à vos pieds, et, à l’occasion bénie de votre retour en la Mère Patrie, ils sont impatients de vous souhaiter Bienvenue et Longue Vie “.
Portant la soixantaine gaillarde, s’avance alors avec dignité un petit homme au teint bistré drapé avec élégance dans une gandoura blanche et coiffé de la traditionnelle kofia verte et or. Avant de quitter l’avion, il fait quelques pas en notre direction. Dans un sourire bienveillant ou perce l’indulgence, contre toute attente, il nous adresse soudain la parole:
- Mille regrets, Messieurs, mais Monsieur Jean-Louis est d’abord venu pour me saluer, suivant la coutume. Je vous prie, veuillez patienter encore un bref instant.
Nous sommes pour le moins confus et n’avons pour toute réaction qu’un timide “Bien sûr, Monsieur le Président” à peine audible et prononcé maladroitement alors que, surpris, nous avons bien du mal à nous lever de nos sièges.
Hé oui, aux Comores, Jean-Louis est un notable... parmi les autres.
Et un authentique président ne se doit-il pas d’être en toutes occasions au courant du moindre fait, n’est-ce pas ?
Cet incident, survenu fort à propos aux yeux des autorités locales, nous permet d’éviter la fouille systématique du contrôle douanier musulman. Sans restriction, nous pourrons ainsi trinquer à votre santé. Merci Monsieur le Président.
Les retrouvailles sont décontractées et joyeuses.
Moins de dix minutes plus tard, sous un ciel lourd, couvert de nuages sombres, transpirant dans une chaleur moite dépassant déjà les trente degrés Celsius, nous grimpons tous sur le plateau d’un antique pick-up Peugeot 203 mis à notre disposition. Assis sur nos sacs de plongée, nous roulons à vive allure en direction de Moroni. Longue de vingt-six kilomètres et récemment construite par la “Colas”, la route nationale bitumée traverse une forêt primaire, la forêt vierge, la vraie avec des arbres gigantesques, des lianes et des palmiers dignes des décors d'Hollywood.
Nous percevons cette végétation luxuriante. La chatoyante palette des nuances alterne du jaune citron au vert vif suivant les variétés de fougères pour virer à l’ocre roux sur les lichens et autres mousses. Elle passe au vert sombre pour les volubilis et les orchidées, ces innombrables plantes parasitaires accrochées aux branches des banyans-étrangleurs, cocotiers, palétuviers, camphriers ou autres mangliers.
Quelques heures avant notre passage, la pluie battante d’une nuée tropicale a lacéré la végétation et ravivé teintes et odeurs. Bizarrement, je retrouve dans ces multiples senteurs les fragrances inconnues imaginées autrefois à la lecture de Robinson Crusoé, lorsque j’étais gamin.
Quelle mémoire ! n'est-ce pas ?
Brusquement nous dérapons, un tête-à-queue brutal me sort de ma rêverie. Notre véhicule effectue une belle glissade qui se termine par une embardée dans l’herbe grasse du bas côté de la route. Le Peugeot s’immobilise.
Le jeune chauffeur comorien, pieds nus, sort de l’habitacle. Très sûr de lui, il vient expliquer calmement à Jean-Louis:
- Pas ma faute, tu sais Bwana ! Toi comprendre... aquaplaning c’est encore coup “champignons la nuit” (7) !
- Qu’est-ce que tu racontes ?
- Toi voir, Bwana... Toi facile demander notre Père Président lui poser
“ lilictriciti ” (8), ok ? Après... toi voir, nous tous contents ... “ akouna matata (9) ” ... sûr pas accident !
Il y a une solution pour tout, n’est-ce pas.
A peine le temps de prendre nos quartiers chez notre ami, à vrai dire dans une villa de l’Ambassade de France où officie son épouse, que le voici nous enjoignant d’enfiler nos maillots de bains.
- Allez, en route pour une première plongée.
A deux pas du Club, alignés au ras de l’eau sur la petite jetée en épi, nous attendent blocs équipés, palmes et ceintures de plombs. Le pied : trente secondes plus tard nous faisons des bulles. Un ravissement! Il faut avoir plongé aux Comores pour comprendre.
Un tombant vertigineux de lave ténébreuse se propose immédiatement à nos regards. Le bleu des abysses est sans fin... Le décor ? De monumentales gorgones rouges, de grands arbres de corail noir, un peuple d’anthias roses, des balistes-niger, des mérous, des perroquets, des carangues, des murènes... et même un requin-marteau. L’éblouissante nature de l’Eden... le temps jadis retrouvé en une balade inoubliable !
C’est bien connu, la plongée ça creuse les estomacs. Notre hôte, bien au courant du fait, nous avait manigancé une surprise de choix pour notre premier repas sur l’île. Il avait demandé au patron du “ Cœlacanthe”, de prévoir pour ses invités un repas du genre “délices des îles”. À peine sortis des profondeurs marines nous voici installés à la table d’honneur du restaurant de l’hôtel hébergeant le Club.
Le super maître-queux de l’établissement n’était autre que la charmante Yvette Delacroix, l’épouse du patron d’un autre hôtel; elle nous avait mitonné un menu exotique dont le sommet, à nul autre pareil, était sa spécialité favorite: “Langouste des Comores et sa petite sauce vanille-coco”. Que mes yeux se ferment si je mens ... la merveille des merveilles ! A se pourlécher les doigts!
Jean-Louis, en connaisseur, a su créer son Club dans le coin idéal. Recherchant une raison sociale, il l’avait baptisé du nom original de “Gombessa Plongée” en référence au poisson préhistorique et pourtant bien connu de tous les pêcheurs du Canal de Mozambique le “Gombessa” ou “Cœlacanthe” (10).
Quelques jours plus tard, le talentueux conférencier de Connaissances du Monde, Marcel Isy-Schwart (11), accompagné de ses deux fils, projetait son film à l’Alliance Française au cours d’une soirée unique. Il s’agissait d’un remarquable documentaire sur les coquillages dont le titre, “Les Joyaux des Mers du Sud”, avait retenu notre attention. La presse et les revues spécialisées, Océans en particulier, avaient dit le plus grand bien de ce documentaire lors de sa sortie en métropole.
Après la conférence, enthousiasmés par le sujet et la réalisation dignes des meilleurs Disney ou Cousteau, nous émettons l’idée d’offrir un rafraîchissement au cinéaste. Enchanté, ce dernier nous propose de le rejoindre à son hôtel afin de discuter tranquillement autour d’un verre.
Aussitôt fait.
L’Ylang-Ylang (12), nouvelle résidence hôtelière du groupe Accor est un lieu de rencontre privilégié dû à sa climatisation parfaite... et surtout, il faut le dire, grâce à la personnalité hors du commun de son affable et volubile Directeur Jean-Paul Delacroix. Dès avant même l’inauguration officielle des locaux, ce dernier avait su créer dans son établissement, une ambiance bienveillante des plus sympathiques. Avec lui, pas de clients... que des amis. Les nouveaux arrivants sont aussitôt présentés à tout un petit monde de coopérants, pilotes, stewards, mécaniciens, militaires, commerçants, personnel d’ambassade, navigateurs, ... ou rares touristes.
Tant et si bien, que, de Marcel Isy-Schwart le scientifique à Jean-Pierre Lahouët le Breton mécanicien d’Air Comique (13), de Thierry l’électricien à Maury le mercenaire, nous avons terminé la soirée à discuter et boire en compagnie de trois opérateurs de la télévision japonaise.
Les Comores, au bon vieux temps des Colonies, était sous protectorat français. Au moment de l’indépendance les ressortissants Français quittèrent l’archipel. Les Sud-Africains, les Japonais et même les Américains ont tenté de s’implanter dans ces îles stratégiques. En vain! Cependant plus adroits dans leurs tentatives, les asiatiques seuls restaient encore en poste. De temps à autre une délégation japonaise venait sous prétexte de former le personnel et entretenir le matériel que leur gouvernement offrait en permanence à la jeune république. Leurs équipes techniques assuraient en particulier la maintenance des japawas (14) ces insolites pirogues de pêche en plastique moulé. Les traditionnelles galawas creusées dans un étroit tronc de palissandre, équilibrées par un double balancier muni de flotteurs, ne permettaient qu’une pêche côtière restreinte alors que ces engins modernes, équipés de puissants moteurs Kawasaki étaient les bienvenus car ils autorisaient une pêche fructueuse en haute mer.
A l’époque de notre séjour, une chaîne de télévision nippone avait entrepris le tournage d’un film documentaire sur cette pêche traditionnelle pratiquée par les comoriens.
Passé les vingt-deux heures... et quelques sakés, nous surprenons Jean-Louis en grande conversation avec les réalisateurs japonais. Dans un sabir anglo-british, il leur vantait les sensationnelles prises de vues sous-marines qu’ils auraient pu réaliser, s’ils avaient plongé en sa compagnie.
- Que ne nous sommes-nous rencontrés plus tôt ?
- Qu’à cela ne tienne ! Demain c’est la dernière journée avant votre départ ? O.K rien n’est perdu ! Je m’occupe de tout et je viendrai vous chercher vers quatre heures, passé midi. Je vous promets un scoop, du sensationnel. Les cinéastes enchantés de l’offre et y souscrivent d’emblée.
- Je vous assure, le scoop de votre vie, by Jove !... Vous pouvez m’en croire, comptez sur moi, confirme-t-il. Mais attention, surtout ne plongez pas demain matin car il faudra descendre... oui, descendre dans les profondeurs.
- Allez, un dernier verre... à votre succès, conclut-il.
Quelques minutes plus tard, sur un signe de notre Anglais de service, et après moult salutations nous nous éclipsons en catimini tandis que la fête quotidienne bat son plein autour du bar.
Nous montons en voiture. Sur le chemin du retour, nous soupçonnons fort Jean Louis d’avoir trop parlé, trop promis... Contrairement à son habitude, il conserve un mutisme surprenant. Aucune explication ne vient éclairer notre lanterne et un silence pesant s’installe.
- Ben quoi, c’est pas un drame si on ne trouve pas quelque chose de sensationnel à leur laisser filmer... à ces figures de mai soixante-huit. Ce sera de toutes façons une belle plongée s’exclame notre Rara rieur.
- Du calme, les gars. Du calme, laissez-moi réfléchir.
Et, dans la nuit tranquille, un plan d’enfer germe dans le cerveau du Grand Chef. Un coup tordu comme on en voit peu.
Un coup à la Géraud.
- Demain, nous on plonge profond et de très bonne heure. Je compte sur vous. Salut ! déclare-t-il, nous déposant dans la cour de la villa.
Puis, à notre grande surprise, au lieu de descendre avec nous, il fait demi-tour et repart en direction du port sans un mot d’explication...
Cinq heures du matin.
Le pavillon d’un trombone à coulisse nous claironne haut et fort le conventionnel “Plongeur lève-toi bien vite”. C’est bien du Jean-Louis au meilleur de sa forme.
- Pas le loisir d’un petit déjeuner, ce sera pour plus tard. Allez, vite, vite en route ! On nous attend au Club.
Étrange! Lui, si peu pressé d’ordinaire, pour ne pas dire toujours en retard, quelle mouche le pique ?
Arrivés à la base, il fait encore nuit. Dans l’obscurité du parc, un tee-shirt et des tennis blancs voltigent sans bruit entre les palmiers. Ils s’approchent de nous. Non, mais je rêve, j’hallucine? Je vois “l’Homme Invisible”.
- Salam alekoum !
Et en plus, il parle ... Un rire sympathique ponctue le salut.
Alekoum salam ! Ouf ! C’est l'ami Saïd, l’homme à tout faire du Club. Vous pigez ... noir de peau et short noir... dans le noir nocturne, c’est... mythique.
- Le radeau, il t’attend sur la Pijot comme toi dire, Bwana! Gros paquet dans local trop lourd pour mes bras.
Dès que le local de plongée est ouvert, nous découvrons la présence d’un long ballot de carton ondulé serti de grillage. L’ordre nous est donné de le saisir. Nous constatons que ce colis est étrangement humide. Nous le hissons avec ménagement sur le radeau, dans la camionnette.
Qu’est-ce que ça peut bien être?...
Les équipements de plongée complètent la cargaison.
Nous partons. Nos deux voitures reviennent à petite allure vers Moroni que vous traversons ainsi que Nguni et Ikoni. Nous arrivons dans la campagne et avant d’arriver à Salimani nous empruntons une piste sur notre droite. Nous stoppons au coin d’une cocoteraie proche du bord de mer. Porter le radeau, le mettre à l’eau et charger le matériel, la besogne est vivement effectuée. Nous nous équipons en silence.
Saïd reste de garde sur place, mission de confiance.
Sur les indications du conspirateur et avec son aide, nous palmons vers le large en poussant l’esquif fait de planches et de chambres à air de camion. Nous contournons la barrière de corail toute proche.
Le jour se lève. Il est maintenant six heures. Jean-Louis stoppe notre progression. Briefing. En préambule il nous conseille de l’écouter sans poser de questions, d’agir vite, et surtout de respecter nos paliers lors de la remontée.
- Nous allons descendre à près de soixante-dix mètres. C’est du sérieux les gars. Je pars en premier. Suivez bien mes instructions. Les voici :
- 1. Une minute après mon immersion, Michel, tu descends à ton tour dans mes bulles. Tu déroules la mitane (15) et tu l’arrimes à une patate de corail juste au-dessus d’une grotte à l’intérieur de laquelle je serai déjà. Tu remontes aussitôt lentement sans chercher à me rejoindre.
- 2. Une minute après ton départ, Jean-Mi et Rara te suivront avec le colis. Attention, soutenez-le bien, il est lesté pour aider à la descente. Ne le lâchez pas car le fond se trouve trois cents mètres plus bas... Équilibrez-vous à l’aide de votre Fenzy (16) Je vous réceptionne sur la petite plage de sable, devant l’entrée de la grotte. Ensuite vous remontez immédiatement. D’accord ?
- 3. Coco reste de surveillance en surface. Il relie la mitane au radeau afin d’éviter sa dérive. Il surveillera chacun des plongeurs au palier et leur portera éventuellement les blocs d’air de secours.
Nous interrogeant du regard, il conclut :
- C’est o.k ? Bien compris ? Pas de fantaisie, nous devons tous replonger en fin de journée ! Quant à moi, avec un max de dix minutes au fond, je suis de retour dans moins d’une heure.
Muni d’une torche étanche et d’une curieuse boite à malices, en fait un Tupperware au couvercle percé de petits trous, il expire, se laisse couler comme un phoque et disparaît dans les profondeurs.
Le scénario se réalise absolument comme prévu.
Paliers terminés, chacun a regagné la surface. Cinquante-cinq minutes après son départ, Jean-Louis émerge à son tour, les bras encombrés par le carton replié du mystérieux paquet.
- On est complet ? Parfait! L’affaire est dans le sac, ni vu, ni connu. On rentre. Laissons la mitane sur place... pour ce soir.
Ah ! Qu’est-ce que ça signifie ? Il ne veut toujours pas s’expliquer !
L’air désintéressé, nous jouons le jeu et parlons d’aller sans lui faire un tour au marché moderne (17) dans le but d’effectuer les achats indispensables à un super casse-croûte matinal.
- C’est ça, avec un peu de chance, vous dénicherez peut-être un autre Gombessa.
Le mot “autre” nous intrigue. Réaction générale et bruit de foule.
- Direction la villa et ... à table, Jean-Louis, sinon pas de plongeurs disponibles cet après-midi, menace Coco. Malicieux... le chef. Il a attendu que les oeufs soient frits et notre réserve de beaujolais débouchée, pour daigner enfin s’expliquer.
- Voilà!... mais que ceci reste bien entre nous. C’est strictement confidentiel et jamais personne ne devra connaître avant longtemps le détail de cette journée. Promis ? Eh bien, ce soir, au fond des mers, vous allez vivre un moment inoubliable, une entrevue historique : L’Homme face à son Origine la plus lointaine connue à ce jour, le Latimeria-Chalumnae, le fameux Cœlacanthe.
Nous sommes sidérés.
Comment ? Jean-Louis capable de nous montrer le survivant des Ages pré-farouches?
Stupéfiant !
Sûr de lui, le sourire aux lèvres, il continue.
- Vous avez tous en mémoire notre vieil ami Marcel Desgoulanges. Mais avez-vous souvenance de sa théorie relative au chaînon manquant de notre évolution? Non, ça ne vous dit pas grand chose?
- Alors écoutez-moi un peu !
“ L'apparition des premiers de ces poissons, les cœlacanthes, remonte à 350 millions d’années et l'on pensait qu'ils avaient disparu il y a environ 70 millions d’années, époque où l’on situe également la disparition des dinosaures.
“ Les pêcheurs comoriens, eux, connaissent la bestiole depuis toujours. Avec la tsit-tsit, leur ligne de fond en coton tressé amorcée d’un petit vif, le roudi, ils capturent de temps à autre ce grand poisson bleu, hélas trop gras pour être mangé. Prise fort utile néanmoins car ses larges écailles épineuses sont séchées au soleil puis utilisées pour le grattage des chambres à air de bicyclettes après crevaison, afin de faciliter la pose des rustines.
“ Le premier cœlacanthe moderne fût capturé en Afrique du Sud dans les filets du chalutier Nérine le 22 Décembre 1938, à l’embouchure du fleuve Chalumna.
“La jeune biologiste, Miss Mary Courtnay-Latimer, remarqua ce poisson bizarre et prévint le professeur J.L.B. Smith qui identifia aussitôt le fossile vivant. Pour rendre hommage à la perspicacité de sa collègue, il lui emprunta son nom et lui accolant celui du lieu de capture, il créa ainsi l’appellation latine de l’animal.(18)
“ Il faut attendre 1952 pour bénéficier d’autres captures à Domoni et Ikoni, ici, aux Comores. Elles permettent d’étudier ce phénomène préhistorique dont les nageoires ventrales, en forme de battoirs, ont une structure pédonculée évoquant une patte.
“ Ce poisson possède les vestiges d’un poumon, organe cylindrique et graisseux, qui jadis, coexistait avec l’appareil branchial. Cela lui aurait permis le passage de la vie aquatique à la vie sur la terre ferme, car en se hissant hors de l’eau sur ses pattes-nageoires, il a évolué à terme vers le Singe Acquaticus cher à Desgoulanges.
“ Son poids atteint jusqu’à 90 kgs pour 1m80 de long, mais étonnamment, son minuscule cerveau ne pèse que trois grammes. Tel qu’il est - sans doute créature parfaite - au travers des siècles il a réussi à rester intact et faire la “une” de France Soir en devenant la vedette d’une photo auprès de l’actrice Martine Carol, sous la légende “La Belle et son Ancêtre”.
“ Le cœlacanthe vit d’ordinaire entre 200 et 800 mètres de profondeur. Il remonte parfois vers la surface, les nuits sans lune, comme ce soir. Je vous assure, ces Japs sont ici au bon moment... Mais si... je vous l’assure ... ce serait, au fond, une malchance de tous les diables si, aujourd'hui, on ne rencontrait pas un seul spécimen de l'animal !”
Son speech achevé, Jean-Louis se lève de table. Il s’étire et dans un sourire, nous annonce:
- Pour tous, c’est maintenant l’heure de la sieste. Je confirme : de la sieste obligatoire car rien de tel ici pour conserver la forme olympique.
En fait il n’a rien dévoilé, l’énigme subsiste et le malin nous tient en haleine. Si c’est le but recherché, il a gagné ! Comment peut-il savoir que le fossile sera au rendez-vous ? L’aurait-il déjà vu ? Où ? Quand ? Quel appât miracle a-t-il déposé dans la grotte ? Connaissait-il déjà ce site? Il a l’air si sûr de lui... Pourquoi tant de mystère ?
Autant de questions sans réponses ! Nous sentons bien qu’il est inutile d’insister, il faut se résigner à attendre la nuit pour y voir clair...
Seize heures trente. Branle-bas de combat.
Nous passons prendre les Japonais. Ils nous attendent sur le parvis de l’hôtel, fins prêts dans leurs combinaisons futuristes en néoprène aux couleurs délirantes. Ils ont fière allure, de vrais héros de manga. A leurs pieds s’étale un équipement complet de studio hollywoodien: caissons étanches, diverses caméras et appareils photos, nombreux projecteurs et rampes d’éclairage, quantité d’accus électriques.
D’un geste négatif Jean-Louis leur fait savoir qu’il refuse en partie cet attirail encombrant. Deux projecteurs, un jeu de batteries de secours et un seul caisson avec caméra vidéo suffiront pour les prises de vues.
- La plongée étant profonde, elle sera de courte durée, pas question d’établir un campement. Le nécessaire, c’est déjà trop, ne risquons pas d’effrayer la faune des abysses avec tout ce cirque.
Ah bon ! Ça commence bien.
Les Nippons s’interrogent du regard, ils sont quelque peu inquiets... Mais déjà Le Chef a fait signe aux porteurs qui s’affairent et ramènent aussitôt le surplus du matériel désigné dans l’hôtel.
- Messieurs, l’Aventure n’attend pas. Allons-y gaiement!
Les cinéastes montent dans la Renault, nous grimpons sur le pick-up. Les voitures traversent la ville et, quelques instants plus tard, nous arrivons au Club.
Une japawa de couleur orange nous attend près de la digue. Nous y chargeons le matériel de plongée et de télévision ainsi que les cinéastes. A notre tour nous nous équipons et embarquons sur la pirogue. Quittant la jetée, à notre grande surprise, Jean-Louis recommande au pilote de suivre la côte en direction du Ministère des Transports : c’est à l’inverse de ce que nous attendions, mais nous ne soufflons mot. Il a son plan...
En effet, après avoir navigué un moment à vitesse réduite, cherchant du regard un site favorable à la plongée, il décide de faire demi-tour. Il semble contrarié... Hé ! Ce ne doit pas être facile de dénicher un coin à cœlacanthes... et toutes ces récentes coulées de lave qui descendent du cratère volcanique jusque dans la mer se ressemblent.
Nous effectuons un large demi-cercle et revenons sur nos pas. Il reprend son attitude de chercheur dès lors que nous croisons le point initial de départ. D’un clin d’œil malicieux, le finaud nous suggère de garder le moral... Nous doublons la digue du vieux port de Moroni et sa mosquée puis dépassons le cap où le Moustache, le pharmacien local, un jour de malchance, a scratché son avion, un magnifique “Pusch-Pull” (19) pratiquement neuf.
Le temps passe vite... Le soleil est bien bas lorsque nous arrivons sur la barrière de corail d’Ikoni que nous évitons en la contournant par le large. Ce faisant, nous remarquons que les récifs émergent totalement à la surface, tant mieux: la marée basse sera étale au moment de la plongée.
Il va bien notre Jean-Louis... Bravo ! Pas de courant et quatre à cinq mètres de gagnés sur la profondeur, c’est appréciable. Il semblerait qu’il ait retrouvé la mitane car il mouille l’ancre sans bruit et coupe le moteur. L’embarcation oscille doucement au gré des vagues résiduelles puis s’immobilise sur place, il n’y a pas un souffle de vent.
S’exprimant avec lenteur, in Englisch, pour bien se faire comprendre des cameramen, Jean-Louis leur désigne Monsieur Rameau - Rara - comme chef de palanquée. Il explique le déroulement de l’opération.... Ils pourront filmer à leur guise... pendant les six minutes d’autonomie du jeu d’accus. Ensuite il sera grand temps de remonter aux paliers.
Se tournant vers nous, il poursuit en français.
- Nous sommes “pile” sur le site. Je dirige l’expédition pour que ce soit un succès complet, faites-moi entière confiance. Je descends le premier, deux minutes avant vous. Je me posterai au-dessus de la grotte et d’un signal lumineux je vous signalerai que c’est ok. Ensuite je resterai dissimulé durant toute la plongée. Vous devrez m’oublier, que personne ne cherche à me joindre, sous aucun prétexte. D’accord ? De plus, je souhaite que restant tous bien groupés vous visitiez un peu les alentours avec nos amis avant d’entrer dans la grotte... L’idéal serait que vous preniez deux bonnes minutes de balade afin de noyer le poisson, ajoute-t-il.
Alors là, franchement, nous ne comprenons plus! A voir nos mines déconfites, il croit utile d’affirmer en riant:
- Soyez tranquilles, tout y est !
Bon, on le croit volontiers, mais vous avouerez tout de même qu’il est plutôt bizarre ... mais c'est le chef, alors ... !
Le disque rougeoyant du soleil frôle maintenant l’horizon.
C’est l’heure H. Notre fantaisiste s’immerge et disparaît à la verticale dans les flots sombres et mystérieux.
La totalité du ciel s’obscurcit rapidement, la nuit tombe vite sous les tropiques.
Go ! Rara et ses ouailles sont à l’eau, prêts à nous filmer. Pleins feux sur les artistes... Les projecteurs sont allumés
Ils s'éloignent du bateau pour un recul nécessaire et nous basculons à notre tour dans une grande gerbe d’écume et l’un après l’autre nous entamons notre descente. Le puissant éclairage, projette à l’aval de nos ombres de longues raies de lumière qui nous ouvrent le chemin des profondeurs d’où surgissent d’éparses bulles scintillantes. Nous descendons en chute libre. Comme des fous, nous envahissons l’abîme.
Moins soixante. Nous suivons le tombant du récif. Jean-Louis est là, posé sur l’encorbellement rocheux qui domine la grotte mystérieuse. D’une lampe éclairant sa main il nous signale en deux gestes : “ Tout va bien... Continuez en dessous !”
Mon cœur se met à battre plus rapidement...: “Du calme bon sang ! Du calme !...”. Dialogue intérieur ... attention à l’ivresse des profondeurs.
Dans notre sillage les autres nous rejoignent en filmant. Nous évoluons avec assurance puis nous disparaissons derrière l’immense dentelle d’une gorgone pourpre à nodules. “C’est bon ça! Joli décor ! Voyons plus bas. Vite un petit tour sous l’arche ... Maintenant on remonte un peu ... Voilà ... Encore un peu... Bon sang! Où est cette sacrée plage de sable blanc ?”
Les minutes s'égrennent. “ Calmos ! ... Allez ... elle doit se trouver un peu plus loin à droite, enfin, je crois... Ouf, la voici ! ... Facile... Impossible à manquer ! ”
L’orifice de la grotte est là. L’arrivée du groupe active le sable corallien qui en tapisse l’entrée. D’une extrême finesse, il reste en suspension sous forme d’un brouillard laiteux qui se diffuse rapidement au-dessus du sol. La lueur blafarde de nos lampes révèle une profonde et vaste caverne enfouie dans l’amoncellement rocheux du tombant. Avec prudence nous nous engageons à travers l’orifice de l’excavation. L’intérieur de la salle se ramifie en plusieurs canyons.
Derrière nous le projecteur des cinéastes donne sa pleine puissance. La caméra vidéo filme le paysage irréel que nous peuplons d’ombres fantastiques projetées sur la paroi.
Une clarté diffuse pénètre dans les profondeurs d’une large crevasse... quelque chose s’agite à l’intérieur !... Silhouette fugitive... Effectivement, un léger tourbillon de poussière blanche dénonce une présence récente. Il doit être là... Notre excitation est à son comble.
Nous... nous savons exactement ce que nous devons voir, les asiatiques, eux, l’ignorent. Ils filment candidement le relief tourmenté de la voûte. Ils n’ont rien vu. Ils suivent docilement Rara à petite distance. Celui-ci remarque tout à coup nos faisceaux lumineux qui fouillant l’obscurité convergent maintenant en un point unique. Nos feux s’entrecroisent au fond d’un large défilé réunissant deux failles. Aussitôt l’ensemble de nos lampes se focalisent sur... sur la bête.
C’est invraisemblable ! C’est un cœlacanthe. Oui, oui, c’est bien lui !
Nous l’observons tout à loisir. Son épaisse queue charnue, immobile, est à quelques mètres de nos yeux. Nous sommes à son niveau, sur ses arrières, il ne nous voit pas. La caméra commence à le filmer. Parfait ... Lui nous ignore. Ses larges nageoires ventrales posées sur une dalle rocheuse il semble assoupi. Mais non, il s’ébroue avec indolence puis il se soulève lourdement et se dandine majestueusement sur place. Non, il ne dort pas, il est à l’affût.
Quelle chance insensée!
Le prédateur frémit, il s’apprête à attaquer. Une proie dissimulée à nos regards se trouve certainement à sa portée. Attention, il va bondir sur elle pour la dévorer. Hé non! Alors que sa queue traîne encore sur la roche, il fait mine de s’éloigner avec indolence... et puis, se ravisant, il pivote sur lui-même. Maintenant il nous fait face et s’immobilise. Il a une telle indifférence à notre égard que l’on croirait qu’il ne nous voit pas.
Magnifique !
Habitués à l’obscurité profonde des grands fonds et bien qu’éblouis par les éclairages, ses yeux translucides nous regardent avec obstination : Quelles sont donc ces créatures qui osent ainsi troubler le territoire de ses ancestrales profondeurs?
Une traînée sablonneuse inattendue s’écoule des roches supérieures et vient draper le poisson d’un voile scintillant fantasmagorique. Un complice, un second carnassier des temps préhistoriques serait-il dissimulé au-dessus ? Qui sait ? C’est inouï, inimaginable ... en réalité !
A travers la draperie de cette blanche aurore abyssale, sans mouvement apparent, le corps massif de l’animal approche peu à peu de notre poste d’observation. Inconcevable, six mètres à peine nous séparent! Nous sommes subjugués et inquiets: il nous menace de sa gueule entrouverte où brillent de redoutables crocs courts et acérés.
Son corps puissant s'agite sur place avec une fébrilité qui n’augure rien de bon aloi ... il bande ses muscles. Attention, l’attaque est imminente!
Nous n’en menons pas large.
Subitement tombant à nouveau de la voûte, un véritable déferlement de sable fin s’abat sur le monstre qui surpris, tressaille, s’ébroue et finit par s’enfuir maladroitement par une faille dans le plafond rocheux.
Ouf !... Nous sommes sauvés !
C’est à peine si nous avons eu le temps de le voir s'engouffrer brutalement dans une fissure propice le surplombant, que déjà il avait disparu. Fugace indice de sa fuite, un infime remous d’eau blanchâtre qui tourbillonne dans un reflet de lumière.
Il était grand temps... de penser à la remontée, car les minutes s’écoulent avec une rapidité extrême en de telles circonstances. Tous, nous n’avons plus qu’une hâte, c’est de regagner la surface pour évoquer l’évènement. Mais “ sécurité ” oblige et de longs paliers nous astreignent à refréner notre ardeur. Néanmoins, nos lampes donnent encore assez d’éclairage pour que nous échangions moult sourires et gestes de satisfaction intenses.
Une heure plus tard, nous émergeons enfin.
Interloqués de voir à couple de notre embarcation une galawa imprévue, nous restons silencieux. Le comorien qui est à bord nous salue amicalement. Ah tiens, c’est le sympathique et célèbre pêcheur Amadi Souri, une vieille connaissance de Jean-Louis.
Ce dernier fait d’ailleurs surface à son tour.
- Parfait, je savais que tu saurais nous retrouver à l’heure dite Amadi ! Merci à toi l'ami, lui dit-il.
Puis s’adressant à nous :
- Alors tout va bien les gars ? Qu'en dites-vous, ils ont l’air satisfaits nos Japonais! Allez, on remballe. Rentrez tous avec la japawa et rangez le matériel dans le local. Je vous rejoindrai chez Jean-Paul pour visionner les prises de vues. Moi, je rentre avec Amadi.
Au bar, c’est l’heure conviviale des drinks et toute la communauté blanche de l’hôtel est présente lorsque le film vidéo est visionné. La foule applaudit chaudement à cet exploit exceptionnel. C’est une première mondiale car jamais auparavant un cœlacanthe n’avait été surpris en milieu naturel. Les prises de vues sont étonnantes, certains plans gros plans de ce survivant du crétacé soulèvent l’enthousiasme général.
Vous-même d’ailleurs, c’est certain, avez éprouvé ce sentiment car, souvenez-vous, la séquence a été diffusée de nombreuses fois par les chaînes de télévision du monde entier. Tout récemment encore, lors d’une soirée thématique sur la chaîne culturelle ARTE, ces images vous ont impressionné. On touche presque du doigt les origines de l’homme.
De l’avis unanime des spectateurs, nous venons de vivre en direct un très grand reportage.
C’est fou ! Toute la soirée le champagne coule à flots.
Les Japonais sont aux anges... Ils le tiennent, leur scoop.
Dans cette ambiance démente notre Jean-Louis reste simple et modeste à souhait : - “ Chose promise, chose due ! ” proclame-t-il pour clore l’inimaginable réalité.
Et lorsque, au bout de la nuit, si tous les acteurs de cette histoire... lourdement saturés de bulles... se sentirent bien fatigués, ce n’était certes pas d’avoir évoqué les plus extraordinaires, les plus fantastiques, voire les plus fabuleuses histoires de plongée ... Le bruit des souvenirs évolutifs évoqués mille et une fois dans ce curieux petit monde dont les individus n’ont plus les pieds touchant terre.... avait dû les griser quelque peu car chacun se laissa aller à un sommeil réparateur.
Le lendemain, de bon matin, en vue de saluer une dernière fois avant leur départ les futurs lauréats du Grand Prix de la Télévision Nippone, nous décidons d’aller les attendre dans le grand hall de l’Ylang-Ylang .
Aucun doute, notre délégation leur semble officielle... puisque nous sommes avec Monsieur le Directeur de l’Établissement. Surpris et flattés par cette marque de courtoisie, ils se confondent en maintes courbettes et salutations puis souriants, comme seuls les japonais savent le faire, ils nous font de rapides adieux et nous invitent poliment mais fermement à nous asseoir. Un peu à regret nous obtempérons alors que nous nous apprêtions à les accompagner jusqu’à leur voiture. Curieux... enfin, il s’agit certainement d’une tradition propre au Pays des Mille Politesses !
“L’Honorable Monsieur Delacroix” lui, par contre, est discrètement convié à les suivre hors du hall de réception. Après ce court aparté, Jean-Paul, revient vers nous, l’air jovial et, avec emphase il nous annonce :
- Messieurs et Honorables Plongeurs, le champagne de l’Amitié et des Matins Clairs vous est offert par nos illustres cinéastes. Puisse ce breuvage enchanter vos palais et consoler votre cœur de leur absence tout comme “ le petit poisson réjouit le pêcheur alors que la grosse carpe sent la vase”.
L’index de la main droite élevé à hauteur de sa tempe, doctoral, il nous communique ainsi l’ultime message des Fils du Soleil Levant:
- Et pour notre Vénérable Chef Plongeur, un cadeau sans prétention, qui, nous l’espérons, ne lui sera pas trop inopportun. Que notre Inestimable Maître veuille bien pardonner à ses Humbles Serviteurs la recommandation abusive qu’ils se permettent de Lui suggérer : l’ouverture de ce modeste présent ne doit intervenir qu’après le départ de notre limousine, exclusivement.
A l’issue de cette péroraison, d’un geste il fait signe à deux porteurs qui déposent à nos pieds une caisse en bois, cerclée de bolduc doré. La face supérieure droite est ornée d’un bristol sur lequel nous lisons: “Cadeau souvenir pour l’Honorable Jean Louis Géraud”.
On ne peut plus étonné, Jean-Louis se précipite vers l’entrée. Trop tard. La voiture des "honorables cinéastes" roule déjà dans l’allée et prend de la vitesse...
“Je n’y comprends rien” murmure-t-il, puis s’adressant à l’aimable société :
- Eh bien, voyons, de quoi s’agit-il?
Le coffre est vivement ouvert.
Surprise!
Nous y découvrons une véritable fortune : un boîtier étanche, une caméra vidéo, un lot de projecteurs et de batteries étanches. En fait nous retrouvons un ensemble Sony complet, celui-là même avec lequel, hier soir, les cinéastes ont réalisé ce document mythique qui allait leur apporter gloire, argent... et renommée... (à ce jour, il sont encore reconnus comme les premiers preneurs d’images ayant réussi l’exploit de ramener du fin fond des mers la vision d’un cœlacanthe vivant).
Que dire devant un tel présent ?
Mais... Qu'y a-t-il ? Le regard fixe, Jean-Louis semble avoir un malaise. Sans un mot, il porte sa main au visage et se voile la face. Il cherche à prendre appui sur le dossier d’un fauteuil. Mais que se passe-t-il, le voilà qui titube... il finit par se laisser glisser lourdement sur le siège.
- Oh ! Jean-Louis, ça va ? Tu ne va pas te trouver mal ?
Nous sommes inquiets. Un pesant silence accable l’assemblée.
- Ô rage, ô désespoir, ô plongeur incompris ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette avanie ? clame-t-il en se redressant. Il fait quelque pas et poursuit :
- Mes pareils, à maintes fois ne se font point connaître. Honte et forfaiture! Comment puis-je vous apparaître ?
L’air farouche, il sort de sa poche un opinel grand format, l’ouvre, en tourne la bague puis le brandit sauvagement. Brusquement il abaisse l’arme à la hauteur de son abdomen et ... dans un geste rappelant celui du samouraï déshonoré, sans doute se ravisant... il pointe lentement la lame aiguisée en direction... des cuisines de l’hôtel.
- Suivez-moi !
Quel comédien (20) !
Au pas de charge, sous le regard stupéfait de quelques touristes matinaux, nous traversons le hall à sa suite et pénétrons sans vergogne dans le domaine du Maître Queux. Il nous conduit directement vers la réserve aux chambres frigorifiques et, y parvenant, l’artiste se retourne vers nous pour nous déclarer avec tristesse :
- Comment avoir osé commettre ainsi, aux yeux de vous tous, une telle mise en scène ? Sincèrement, je ne suis qu’un triste sire ? Qu’allez-vous, penser de moi dorénavant?
Les intonations goguenardes de sa voix démentent carrément le sens de ses paroles. S'approchant de la porte de l'un des frigos, dans un large sourire il en ouvre la porte et claironne:
- Il faut le voir pour le croire !
Il saisit un énorme poisson qu’il nous présente à bout de bras en un geste victorieux et nous interpelle de nouveau :
- Regardez !
- Mais... mais, c’est Le cœlacanthe !
- Alors... ! Qu’en dites-vous ? Oui, oui, c’est bien le vôtre... Taille 1m60 , poids 62 kgs, et... pas plus frétillant de vie qu’hier au soir.
Il le repose sur la table de travail.
- Hé bien oui, je le confesse, je vous ai tous abusés. Aussi je vous dois une explication. Mais il est urgent de vider l’animal de ses entrailles car je tiens à le conserver et pour ce faire, je dois le naturaliser.
Le geste professionnel, de son couteau tranchant comme un véritable scalpel, il ouvre l’abdomen de la bête et commence à en extirper les viscères (21).
Nous le laissons à son ouvrage et nous regagnons la salle de réception où Jean-Paul nous fait servir le champagne et de délicieux toasts au caviar. Ce petit en-cas est succulent.
Notre curiosité est à son comble et les suppositions vont bon train. Mais à vrai dire, réflexions faites, nous ne devrions être qu’à demi surpris. Tout au long de cette histoire, n’avez-vous pas trouvé assez bizarres les comportements successifs de notre comédien ?
Oui, n’est-ce pas ? Eh bien ... nous de même ! Et pourtant nous avons tous marché... comme un seul homme.
Ah ! Le revoici. Il fait son entrée en scène.
Le rôle lui va à merveille : Le Repenti Victorieux.
L’air absent, il commence par chercher son inspiration en prenant son menton au creux de sa main. Il marche à petits pas devant nous et inspecte sa flûte ou pétillent les fines bulles de champagne, puis faisant miroiter le cristal dans un rayon de soleil, il se lance :
“ La vérité toute simple, la voici :
“ Depuis ma tendre enfance j’ai toujours rêvé d’être marionnettiste, allez savoir pourquoi, j’adore tirer les ficelles... Je cherchais donc depuis fort longtemps l’occasion de me révéler à un public de choix, tel que le vôtre à vrai dire... Dieu me pardonne... depuis quelques jours la tentation était trop belle. L’idée de vous surprendre m’est venue lorsque notre voisin, le pêcheur Amadi, m’a proposé à la vente un cœlacanthe qu’il venait de capturer. Pour un prix modique, mille francs cfa, je ne pouvais me refuser le plaisir de monter une petite mystification, tant j’étais persuadé que vous tomberiez dans le panneau avec bonheur.
“ J’ai donc entreposé mon achat dans un congélateur de l’ambassade, non sans avoir pris le soin de lui passer dans les ouïes et autour de la queue une série de fins mais solides et translucides fils de pêche en nylon. J’en ai relié les bouts aux quatre extrémités de deux baguettes. Je disposai dès lors d’une véritable marionnette qu’il me serait tout à fait possible de faire évoluer dans l’eau à ma guise... Il ne restait qu’à attendre le moment propice pour redonner vie de manière plausible à ma vedette préhistorique.
“ La rencontre fortuite des cameramen japonais a déclenché l’opération. Dans la nuit, après vous avoir déposés à la villa, je suis allé mettre notre héros à décongeler.
“ Dès le lendemain matin nous l’avons transporté à votre insu sur le site choisi. Resté seul au fond, , j’ai sorti le poisson de son emballage et je l’ai glissé dans une faille adéquate. Soutenu par ses filaments invisibles je l’ai
installé là où vous l’avez découvert. Pour le mettre hors d’atteinte des prédateurs je l’ai recouvert d’une cage confectionnée sommairement à l’aide du grillage ayant servi à maintenir le carton du paquet.
“ Le soir, descendu un instant avant vous, j’ai retiré cette protection avant de prendre place sur la roche supérieure, d’où, baguettes en mains, je pouvais aisément faire évoluer à ma guise ce rescapé d’un autre âge et, tout aussi facilement le moment venu, déverser un rideau de sable fin pour clore la représentation en saupoudrant le site avec mon Tupperware passoire.
“ J’avais prévenu mon ami le pêcheur de l’opération. Il nous a suivis d’assez loin pour nous rejoindre par hasard dans l’obscurité. Bien sûr il n’était là que pour me récupérer discrètement à son bord avec le poisson qu’il était absolument hors de question d’abandonner.
“ Avouez que c’était bien joué ! Mais tout de même, est-ce que ma supercherie méritait ce somptueux cadeau... C’est un premier prix d’illusion ? Non ? Qu’en pensez vous ? ”
Je crois que ce n’était pas une véritable question mais simplement la possibilité pour Jean-Louis d’achever son récit avec une remarque philosophique sur la fragilité du témoignage:
- “ Vivant. Je l’ai vu, de mes yeux, vu.” conclut-il malicieusement en levant son verre.
Illusion ou mystification.
Là est la question, il faut choisir... Oui mais... sans mystification... pas d’illusion... pas de film, pas de rêve, pas de cadeau. Et naturellement pas d’histoire !
Buvons-nous réellement du champagne?
Vous-même, qu’en dites-vous? Oui, pour sûr !
- Alors une autre bouteille, s’il vous plait, Maestro !
Au dehors, une brise matinale disperse les dernières brumes de la nuit. Sur la côte, les palmiers de cartes postales encadrent le bleu de la mer. La journée s’annonce bien...
C’est bon les vacances.
Ah, j’allais oublier !
Si un jour vous êtes invités chez Jean-Louis, dans la chambre qu’il vous réserve, regardez donc sous votre lit. Une surprise vous y attend.
C’est là, en ce paisible lieu d’ombre et de repos que je l’ai retrouvé, deux ans plus tard. Sans conteste, c’est la cachette préférée de cette vieille carcasse tannée par le soleil des Comores, qu’est devenu, au fil du temps, notre sacré “ Tonton Cœlacanthe ”, comme disait l'ami Marcel ! (22)
Nota : Il est bon de le préciser ici que, quelques années plus tard, Jean-Louis GÉRAUD a réussi, dans la nuit du 17 juillet 1987, à filmer sur le tombant du village d'Ikoni et pour la première fois au monde, un cœlacanthe réellement vivant. La visualisation de ce film a enthousiasmé le monde scientifique qui reconnaît à ce cinéaste amateur la paternité du premier film tourné en milieu naturel sur ce poisson primitif que les Comoriens appellent " gombessa".
(1) Sultan Ali Soilih. 1937 - 1978. Ingénieur agronome, ancien ministre du Sultan, le Prince Saïd Ibrahim. Puis dictateur de 1975 jusqu’à sa mort en 1978.
(2) Ahmed Abdallah Abderamane. 1919 - 1989. Affairiste avisé il devint le premier chef d’Etat des Comores en 1950. Destitué en 75, ramené au pouvoir en 78, abattu dans son palais de Moroni en 89 au cours de circonstances non élucidées, il laisse à ses héritiers une des plus grosses fortunes de l’Océan Indien, dont une splendide propriété sur les hauteurs de Nice d’où il arrivait d’ailleurs ce jour là.
(3) Fédération Française d’Études et de Sports sous Marins. L’affiliation était assurée via l’entremise du Centre Subaquatique Orléanais dont Rara (Jean-Pierre Rameau) était président.
(4) Ancien nom de l’Archipel à l’époque de la conquête arabe, vers le huitième siècle de notre ère.
(5) Kartala ou Karthala, 2361 mètres. Volcan actif, point culminant de l’Archipel.
(6) Destin peu ordinaire que celui de Lulu Picollier: Commis maréchal ferrant chez son père avant la guerre de 39/45, mobilisé dans l’infanterie, après la débâcle et Dunkerque il se retrouva mécano dans l’US Air Force où il apprit à piloter les forteresses volantes.... avant de faire carrière de pilote chez Air France.
(7) Dans la moiteur de la nuit tropicale, la végétation est pratiquement spontanée et il est fréquent qu’en une heure un épais tapis de champignons gluants recouvre quelques mètres carrés de route bitumée.
(8) Remarquez la prononciation de sonorité “nord africaine”. Les comoriens parlent tous le français mais il était amusant de constater le vocabulaire et les différents accents typiquement belge, arabe, pied noir ou canadien pratiqués par certains jeunes de la population : la présence des Français fut un temps indésirable au pouvoir et à cette époque des enseignants de différentes nationalités, mais de langue française, ont été recrutés pour l’éducation des élèves .
(9) “Akouna matata” : “pas de problème” ! Il va de soi que les champignons poussant dans l’obscurité de la nuit, “l’électricité” éclairant la voie, ils ne pousseraient plus. Il suffisait d’y penser !
(10) Gombessa ou Kombessa, est le nom comorien du cœlacanthe.
(11) Marcel Isy-Schwart, champion du monde de chasse sous-marine en 1951, cinéaste, écrivain et conférencier, avait été retenu au paravent en Afrique du Sud par des questions d’intendance. Son séjour dans l’île se trouvait écourté car il devait repartir impérativement dès le lendemain.
(12) Baptisé du nom de l’arbre tropical l’ylang-ylang dont la fleur est utilisée comme fixateur en parfumerie.
(13) J.P. Lahouët, mécanicien “Air France” détaché à “Air Comores” pour l’entretien courant du seul et unique appareil de la Compagnie, un ancestral Fokker 27 destiné à desservir les différentes îles de l’Archipel.
(14) De “JAP” (japonais). Nom donné par analogie avec “galawa” le nom traditionnel des pirogues à balanciers comoriennes.
(15) La “mitane” est une petite bouée de repérage utilisée par les plongeurs pour marquer un site en mer au large de la côte. Lorsque la mitane est jetée à l’eau le flotteur laisse se dérouler jusqu’au fond une cordelette lestée .
(16) La “Fenzy”, était une collerette gonflable (de couleur orangée) portant le nom de son inventeur, un ingénieur d’origine roumaine travaillant en France pour la Marine Nationale. Elle servait de bouée d’équilibrage et de parachute ascensionnel lors des remontées de plongées profondes. Elle a été supplantée par le “gilet stabilisateur” ou “jackette” et n’est plus utilisée que par les nostalgiques” des temps héroïques de la plongée sous marine.
(17) La ville de Moroni venait de se doter d’un marché couvert bétonné dont la construction a été offerte par la Société des Ciments Lafarge.
(18) Latimer + Chalumna = Latiméria-Chalumnae, nom scientifique du cœlacanthe.
(19) Il s’agissait d’un Cessna 2OO équipé de deux moteurs à hélices, une qui tire, l’autre qui pousse.
(20) A l’époque ou se déroule cette histoire, Géraud mettait en scène à l’Alliance Française de Moroni, “Le Cid”, l’illustre pièce de Corneille, qu’il interprétait avec une troupe de comédiens amateurs .
(21) A noter qu’il s’agissait malencontreusement d’un cœlacanthe femelle. Toutefois la quinzaine d’œufs de la grosseur d’une mandarine ont été adressés aux professeurs Milot et Anthony au Muséum de Paris pour étude. L’animal est ovivipare, les petits éclosent à l’abri du corps maternel après un an de gestation et, dès leur naissance, alors qu'ils mesurent déjà quarante centimètres, ils commencent aussitôt à ramper sur les fonds à la recherche de proies à se mettre sous la dent.
(22) Marcel DESGOULANGES. Voir l'article n° 566 "Marcel le Méconnu".
MORONI
La Grande Mosquée et le Port à marée basse.
Un Cœlacanthe fossilisé
(photo versée au domaine public par son auteur)
Le Cœlacanthe frais, vous connaissez ?
C'est le jour de sa fête ...
(Photo des archives personnelles de Jean-Paul DELACROIX)
Le même, deux ans plus tard.
Cœlacanthe naturalisé
du Musée Océanographique de Monaco.
La tête du Cœlacanthe
(Détail du spécimen présenté en Corrèze au Musée de Sarran).
Le Cœlacanthe
offert au président Jacques CHIRAC exposé au Musée de Sarran.
Ce récit est la relation d'une histoire survenue il y a plus de trente ans.
Depuis cette époque, grâce aux progrès techniques, il a été possible de filmer
des cœlacanthes dans les profondeurs de 200 à 300 m non atteintes par le plongeur lambda.
Actuellement on estime que les cœlacanthes qui vivent dans les eaux côtières des Comores,
sont en voie de disparition, ne formant qu'une population restreinte à environ 300 individus.
Toutefois durant l'année 1998 en Indonésie un pêcheur a capturé un cœlacanthe
par deux cents mètres de fond et a renouvelé cet exploit en 2007.
Ce dernier a survécu 17 heures dans un enclos aménagé sur la plage
où il a été filmé par les scientifiques qui en déduisent que la Mer des Célèbes
abriterait également plusieurs colonies de ces poissons d'un autre âge.