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  • : Le blog de PAPYCOUSTEAU
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23 novembre 2011 3 23 /11 /novembre /2011 00:21


 La destinée peu banale

d’un chalutier prénommé 

L’IDÉAL



             “ L’IDÉAL ” a été construit en 1939 par les Chantiers Maritimes des Sables d’Olonne. Il était, en son temps, ce qu'il est convenu d'appeler un "beau bateau".
             Ce chalutier en bois d'une longueur de 18m80  était destiné à la pêche côtière, toutefois, le dimanche 3 septembre 1939, triste jour de la déclaration de guerre avec l’Allemagne ce qui engendra immédiatement la mobilisation de tous hommes jeunes, y compris les marins-pêcheurs professionnels, “ L’IDÉAL ” fut aussitôt réquisitionné par le Service des Postes et Téléphones pour une utilisation décrétée “affectation spéciale ”.
             De ce fait, et pendant toute la durée du conflit, le navire fût affecté au transport du Courrier Postal. Sa mission était d’assumer de façon régulière la desserte entre le continent et les différentes îles de la côte atlantique française. Dans ce but, il avait été tout spécialement transformé et réaménagé en vue de garantir au mieux la constance et la sécurité du convoyage postal.
            Solidement conçu, bien motorisé avec un Baudouin - roi des moteurs - de 90 cv qui lui octroyait une vitesse de croisière légèrement supérieure à dix nœuds, il accomplissait chaque semaine, vaille que vaille, mais avec la régularité d’un métronome, la rude tâche, le parcours de Brest à Royan et retour, soit environ six cents miles nautiques, quelques soient les conditions atmosphériques et l’état de la mer.
            Son activité de "courrier" se prolongea encore un certain temps après la guerre. Mais le décret du 10 mai 1946 en créant une Administration plus moderne sous la gouverne de la toute nouvelle "Direction Générale des Postes", mit un point final à sa carrière postale .
           Les tensions guerrières apaisées, à la fin de la décennie des années 40, un ancien officier Allemand de l’Afrika-Korps, prisonnier de guerre libéré et installé en Californie, s’en porte acquéreur auprès du Service français des Domaines. Toujours en état de naviguer il convoie “L’IDÉAL” de Bretagne en Tunisie via le Détroit de Gibraltar. Aux chantiers de Bizerte, il procède aux transformations adéquates et aux aménagements techniques indispensables pour transformer le chalutier en une solide base navale de plongée.
           À la suite de ces rénovations le nouveau propriétaire, avec l'aide d’anciens compagnons d’armes, s’active à rechercher le  légendaire trésor de Rommel. À partir de cette base de plongée flottante et mobile il prospecte un peu au hasard en Mer Méditerranée. Après plusieurs années de campagnes pénibles et onéreuses, tant sur les côtes d’Afrique du Nord que sur celles de l’Île de Beauté, apparemment sans résultat tangible, l’aventurier décide d’arrêter les frais et dans la foulée il se sépare du rafiot bien fatigué.
          C'est alors qu'un riche acquéreur américain se fait connaître. Il s’agit de l’un des patrons de la célèbre firme cinématographique hollywoodienne : la Métro-Goldwyn-Mayeur qui s’en porte acquéreur. “L’IDÉAL”  est alors rapatrié en France, à La Ciotat, où après une remise à neuf  il se taille un vif succès à Cannes lors du renommé Festival Cinématographique.
         À partir de 1953 (année qui voit la consécration de films tels que “ Le Salaire de la peur “ avec Yves Montand et Charles Vanel tout comme le magnifique “ O Cangaceiro ” à l'époque l’un des rares succès brésiliens de renommée mondiale) il est mouillé en permanence au quai d’honneur de La Croisette parmi les yatchs de milliardaires. Il est reconverti en un “bar américain” incontournable :  Fréquenté en permanence par les journalistes, le “Bar Nautique” des pins-up est une unité publicitaire pour le moins originale. Lors de courtes mais nombreuses réceptions privées on y voit parader les vedettes et toutes les personnalités marquantes du cinéma international.
          Et en premier lieu, son hôte d’honneur, le Lion “Tanner”, un magnifique fauve à crinière. Vous connaissez sa célèbre tête rugissante qui apparaît avant le générique de chacun des films de la MGM.  Au grand plaisir des badauds, ce Lion trône en effet sur le rouf arrière du navire lorsque le bar est fermé : il en est devenu le cerbère.
         Au firmament des stars, c’est bien connu, les “ gags” ne brillent qu’un moment, aussi, quelques années plus tard avant que le “décor” ne fasse plus recette, le bâtiment est cédé à un industriel lorrain, “cristallier” à Baccarat. Ce dernier arme de nouveau le chalutier pour la plongée et navigue dans les criques du sud de l’Italie puis sur les côtes de la Sicile. De nouvelles informations semblent le guider, lui aussi, dans ses laborieuses recherches sous-marines en vue de retrouver le trésor de guerre des nazis !
          Malade, il doit interrompre son activité et le bateau est rapatrié dans les Alpes Maritimes au mouillage dans un petit port de l’Esterel, entre Théoule et Mandelieu-La Napoule. Il y restera un long moment.
         Bien longtemps après le décès de son propriétaire, en conclusion d’une succession difficile, “L’IDÉAL” est finalement repris à un prix modique par deux amis plongeurs : Jean-Pierre Gonzalez, un “pied-noir” rapatrié de Oujda au Maroc et Michel Selesniew un “terrien” du Gâtinais travaillant à Montargis dans le Loiret.
         Ces derniers avaient repéré l’épave abandonné à quai et à demie-immergée dans le petit port de La Rague. Pour eux, c'était l'idéal, le mot n'est pas trop fort . Ils recherchaient depuis plusieurs mois un bon bateau pas cher en vue d’exploiter une École de Plongée à Saint-Tropez sous l'égide de la Fédération Française d'Études et de Sports Sous-Marins (FFESSM). Il ne leur manquait que le principal, un navire pour aller en mer et faire fonctionner le “Club Mer et Plongée” qu’ils venaient de créer et auquel  vint s’adjoindre, pour un temps, un troisième et sympathique copain, garagiste parisien de Pontoise, Charles Hinaux.
         Le bâtiment est renfloué, car faute à un manque évident d’entretien, il reposait sur le fond du port ... avec un mètre d’eau dans les cales. Une fois consolidé et repeint sommairement sur place afin de cacher sa misère (il fallait  faire bonne figure pour l’arrivée dans la Cité du Bailli), il est ramené à son nouveau port d’attache et mis en cale sèche dès les premiers beaux jours du printemps 1973 .
         Entièrement rénové et repeint de fond en comble aux couleurs du Club " blanc et bleu ",  il est équipé à neuf de tout le matériel de plongée nécessaire à trente plongeurs et ce avec la concours de Monsieur Dandine, importateur exclusif de la marque américaine “ Scubapro . Notre vaisseau prend place dans le Vieux Port de Saint-Tropez au coté des “ pointus ” de pêche entre “ Le Bourru ” du journaliste “ Michou ” et le yatch de course, " l’Hélisara ", du chef d’orchestre Herbert Von Karajan.
          Amarré ainsi au quai promenade du Môle Jean Reveille, il attire la curiosité des passants par sa structure particulière qui le distingue de tous ses voisins.
        De plus, un panneau publicitaire annonce la création de le première véritable école de plongée de la région. À cette époque elle se trouve en effet être l'un des rares établissement bien structuré à être pour la saison à la disposition permanente des touristes désireux de se laisser séduire par l'aventure sous-marine (la plus proche base équivalente se trouvant à St Raphaël à bord du “Renardeau” le voilier du “Club sous l’Eau”  tenu par Claude Luquin, ancien militaire, pilote d’hélicoptère).
            Par le biais de ses activités " L'IDÉAL " retrouve en partie la fréquentation des stars comme au temps de ses riches heures cannoises :
         Monsieur 100 000 volts, le chanteur dynamique Gilbert Bécaud, un passionné de plongée, qui réquisitionne le bateau et son équipage à la journée : il assure ainsi sa tranquillité et celle de son fils Gaïa; le fréquentent des chanteurs sociables comme le célèbre Enrico Macias, la blonde Joëlle Morgensen du groupe "Il était une fois " et Dave le créateur du tube " Vanina "; l'ancien acteur devenu peintre Nicolas Charrier (ex-époux de Brigitte Bardot) y accompagne leur fils Nicolas pour son initiation à cette nouvelle discipline. Les cascadeurs Alain Prieur, Frank Valverde, Jean-Paul Chirouze et le plus célèbre d'entre tous, le sympathique Rémy Julienne, viennent à bord pour plonger afin de tester en milieu agressif certaines normes de sécurité qu'ils se doivent de respecter lors de leurs actions subaquatiques. Des personnages originaux comme l'acrobate " Coin-Coin ", le légendaire judoka champion du monde Anton Geesink, ou des personnages comme l'acteur Mario David, le chef d'orchestre Herbert Von Karajan, la speakerine Jacqueline Huet, Raymond Marcillac, Eddy Barclay, le journaliste "Michou", Gérard Blitz et Anne Wagner du Club Med.
            En un mot le "Tout St-Trop " vient plonger ou tout au moins boire un pot à bord où règne une ambiance sympathique. J'allais oublier une charmante gamine, Marine Jacquemin qui par la suite allait devenir “grand reporter” à la télévision française. Et le mythique Jacques Mayol - le premier plongeur a être descendu en apnée à une profondeur de 100 mètres, exploit réalisé en Novembre 1976 dans les eaux de l'île d'Elbe .
         Ceci n'étant qu'une bonne publicité de prestige, l'école de plongée n'ouvrait ses portes à la clientèle sportive que seulement sept mois de l’année. Cette période dura une décade complète ... jusqu'en 1983.
      C’est à cette époque que “L’IDÉAL” est repris par deux sympathiques plongeurs lyonnais, Claude Gavory et Charles Battisti qui changent la raison sociale du Club lequel devient à juste titre “Les Plongeurs du Golfe”. Toutefois, l’un des précédents fondateurs de l’école, Michel Selesniew, dit “ Papycousteau “ les accompagne dans cette nouvelle aventure. (Il était prévu que ce dernier devait rester quinze jours pour transmettre le flambeau, en fait, il y resta dix ans).
        Un franc succès couronne les efforts de cette équipe. Le Club se fait un renom bien mérité dans le monde de la plongée et affiche carrément complet à longueur d’année. Devant cette réussite manifeste, certaines inimitiés ne tardent pas à se faire ressentir à l’égards de ces “estrangers ” et de leur bateau.
          L’accès au môle Jean Reveille leur est interdit : Ils sont invités à céder leur emplacement privilégié de mouillage au Vieux Port à un magnifique voilier, propriété d'un industriel milliardaire français. En remplacement, un anneau leur est attribué au Nouveau Port, en sortie de ville, sur l’aire du parking payant.
      Puis, bizarrement, trois saisons plus tard, suite à d’obscures raisons administratives et autres manœuvres, le permis de naviguer du vieux chalutier est définitivement abrogé en dépit de longues négociations.
          Officiellement le bateau est atteint par la limite d’âge.
          De ce fait, en 1986, sous la surveillance des Autorités Maritimes, “L’IDÉAL” est sabordé avec les honneurs par ses propriétaires, non loin du port, au large de la Baie des Canoubiers où il repose par 30 mètres de fond.

         Mais l’Histoire est un perpétuel recommencement ... et celle-ci n’échappe pas à la règle.
        Un chalutier de Toulon se présente à point nommé : son propriétaire, un patron-pêcheur âgé qui pratiquait la pêche de nuit au lamparo, voyant son activité traditionnelle sur le point d’être interdite en France, propose “LA MARISE” à la vente.
         Aussitôt, sous le nom mérité de  “L’IDÉAL II ” il devient le successeur de son frère : il est tout à fait inattendu de constater qu’il s’agit d’un bâtiment construit par le même chantier que son prédécesseur, sur des plans similaires et de plus qu’il date de la même année ... 1939 ! Une heureuse et fortuite similitude existe donc entre les deux navires à tel point que, même parmi les anciens plongeurs, nombre d’entre eux ne remarquent pas les petites différences dues au remplacement du bateau qu’ils fréquentaient précédemment.
        En 1993 le Club et “L’IDÉAL II” sont repris par Jean Burgos qui, deux saisons plus tard, recède le tout à un trop jeune moniteur tropézien.
         Novice en la matière ce dernier abandonne la fonction et se débarrasse très rapidement du fardeau en revendant le bateau à un particulier lambda ...
            Malheureusement l’acquéreur, bien évidemment, ne peut conserver à son acquisition le qualificatif de “navire école”.  Aussi, dès le jour de l’enregistrement de la vente  il se voit assigné la qualité de propriétaire d’un quelconque “navire de plaisance ”. Il découle de cette modification une substantielle augmentation du prix locatif de la taxe portuaire. C’est un luxe que ne peut s’offrir l’individu : il doit abandonner illico la place qu’il envisageait de conserver. Sous la pression constante des Autorités Portuaires, il prend la décision précipitée d’effectuer en urgence un mouillage sauvage dans le golfe, à l’entrée de la Baie des Canoubiers.
            Par malchance, quelques jours plus tard, un puissant vent d’Est se lève et la mer se forme.  Les amarres ou le mouillage ne résistent pas... Le navire dérive. La forte houle le drosse aux récifs de la côte en quelques minutes. Sous les yeux des riverains impuissants, il s’y disloque et coule rapidement

              

                          “ L’IDÉAL ”  n'est plus qu’une légende...                             


 Tanner
le célèbre lion rugissant.

-Tanner--Le-lion-MGM-.jpg

 

 

 



Le chalutier " L'IDÉAL " en Mars 1973
vient d’arriver à quai dans le port Saint-Tropez.

L-IDEAL-Mars-1973.jpg


 

 

 


" L’IDÉAL "  à Saint-Tropez en Juin 1973.
 Entièrement rénové,
il tient fièrement sa place entre
"Le Bourru" à gauche et
"l’Hélisara" à droite.

0020-L-IDEAL-Juin-1973.jpg

 

 

 

 

 

Jacques MAYOL (1927-2001) ,

de retour dans le port de Saint-Tropez

après une plongée avec l'équipage de " L'IDÉAL " en 1980

0011-Jacques-MAYOL-1980-L-Ideal--.jpg


“ L'IDÉAL ”

de toutes les Écoles de Plongée Françaises du littoral méditerranéen,

est vraisemblablement, le bateau qui,

fréquenté pendant 13 années par des plongeurs de toutes nationalités,

a le plus marqué leurs mémoires

du fait de son historique surprenante mais surtout parce que

ce navire a été l’inventeur de l'épave mythique du sous-marin

“ RUBIS ”

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