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  • : Le blog de PAPYCOUSTEAU
  • : Photos, Voyages, Plongée-sous-marine, récits, histoires, citations, pensées, maximes, proverbes du monde entier. Le tout illustré par des photos de France et d'ailleurs...
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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 00:57
PLONGÉE SOUS-MARINE
 
ET  
 
VISIONS


 

Je l’ai vu, dis-je,vu, de mes propres yeux vu.
Ce qu’on appelle vu...

                                                                                          Jean-Baptiste POQUELIN  dit  MOLIÈRE                                                                                                                (Le Tartuffe).


                    

                     En Guadeloupe, sur la côte Ouest de la Basse-Terre, la Baie de Malendure est particulièrement attractive.                           Tous, enfant ou adulte, chacun y trouvera sont agrément : le bambin y barbotera à loisir, l'adepte du bronzage y trouvera soleil et ombre sous la protection des cocotiers, le randonneur arpentera la forêt primaire sous l'œil admiratif de photographes et autres amateurs de paysages tropicaux. l'amateur de kayak pourra y pagayer mais plus encore parmi les activités maritimes les pratiquants de plongée en quête d'aventures sous-marines seront satisfaits. 

             En plongée, le bleu sombre de la Mer des Caraïbes se révèle inquiétant dès que vous excédez la profondeur d’une quarantaine de mètres et que quittant le paysage corallien, votre regard se porte vers le large. L’immensité sous-marine s'efface dans la pénombre des abysses insondables. Le désert de sable gris-fauve qui tapisse les fonds évoque désolation et tristesse. Cette impression angoissante de paysage lunaire persiste jusqu’à venir buter contre le socle rocheux des îlets volcaniques dénommés “ Îlets Goyaves ” ou “ Îlets Pigeon ”.
          Avec trois plongeurs chevronnés sur les talons, j’explore le tombant Nord des Îlets en progressant dans les profondeurs frôlant les quarante mètres.                                                                                   Je vais à la rencontre de la faille rocheuse qui s’élève vers la surface et qui démarque le site dit de "la bouée anticyclonique (1). Après avoir nagé un instant dans cette direction, j’oblique sur la droite. Quelques coups de palmes nous suffirons pour atteindre la grande fontaine d’eau chaude et cristalline qui jaillit au flanc du plateau corallien. C’est l’une des résurgences issue de ces torrents de montagne alimentés par les pluies tropicales sévissant de nuit, à longueur d’année, sur les hauteurs de Basse-Terre.
          Cette source se présente sous la forme d’une dépression du sol creusée au pied de la carène du récif. C’est un puits naturel d’un à deux mètres de profondeur et tout juste assez vaste pour recevoir deux plongeurs. Nombreuses sont ainsi les résurgences qui, à travers le sol tourmenté de cette région de Guadeloupe, se déversent en mer, en particulier aux alentours de nos îlets. Mais cette dernière est l’une des plus remarquables en raison de son débit, c’est La Curiosité de la Réserve Cousteau (2) qui surprend et intrigue les plongeurs les plus blasés.
           Survolant le puits, nous admirons un Gueule Pavée peu farouche. Cette jolie dorade argentée à reflets lavande et bronze est rejointe par un couple de Capitaines (trois épines dorsales) dont le blanc nacré vire au brun marbré de rouge à notre approche. Défiants, ils nous surveillent et évoluent en une ronde prudente autour du petit massif de corail nid d’abeilles qui agrémente le fond. Notre présence rompt le charme. Ils nous dédaignent et prennent la fuite.
           Sommairement sculptée par un spongiaire disparu, la patate corallienne qui se dresse devant nous ressemble à une gargouille jaunâtre érodée par le temps. Elle vomit vers le ciel un flux d’eau courante et tiède qui faseye et se dilue rapidement dans l'onde marine. A proximité immédiate, les souples tubes violines d’une grande éponge ondulent mollement au gré des pulsions du rejet.
           Avec précautions je me laisse descendre dans la fosse. Expiration, rétablissement en douceur, me voici installé à genoux sur le lit de sable blanc. D’un signe, j’invite l’un de mes compagnons à me rejoindre. Je lui saisis l’avant-bras et guide sa main nue vers l’orifice d’où jaillit une salve liquide. Je prévois sa réaction, l’eau légèrement chaude peut le surprendre. Je stoppe son geste de retrait. Il se retourne vers moi, interdit et troublé, puis d’un geste de son poing fermé à l’index pointé vers le haut, il me renseigne en confirmant d’un clin d’œil:
           - Oui ! Bien sûr, j’ai deviné !
           Il joint les mains en forme de V renversé puis les relevant brusquement en les dissociant, il esquisse le dôme de la montagne qui explose : le volcan !
           Effectivement, La Soufrière (3), en activité latente, Les Mamelles et autres pitons paisibles du paysage, tel Le Morne Louis dominant la baie de Malendure, subissent la pression du volcanisme  interne de l’île. Les bains chauds des Chutes du Carbet, Le Trou du Diable à Bouillante, sont les symptômes externes du feu central.
           O.k c’est gagné! Au suivant !
           Une plongeuse me rejoint.
          Volontaire, elle porte en hâte sa main dans le courant agité d’un singulier flot de bulles gazeuses. Mais aussitôt, avec une précipitation imprévue, elle l’en retire d’un mouvement brusque. Réflexe bien féminin…! Elle me regarde, mécontente. Allons…! Effet de surprise… ce n’est rien ! Je lui souris dans mon masque et comme elle me répond gracieusement, avec beaucoup de subtilité dans le regard je lui indique qu’elle n’a pas la manière :
           - Regarde-moi bien… et délicatement, j’étends le bras. 
           Aïe !!! J’ai moi aussi un brutal mouvement de retrait.
           C’est brûlant !
           En mon for intérieur je suis assez perplexe. Jamais une température aussi élevée n’a été ressentie en ces lieux !
           Je réfléchis ! Au-dessus de moi, on doit se gausser doucement.
          Avec prudence, j’avance de nouveau la main… et... l’y maintiens aisément. En peu de temps la chaleur s’est considérablement abaissée! De ce fait, chacun s’y essaie à nouveau, avec prudence, et s’en tire sans dommage, satisfait de l’expérience.
           Discrètement, je palpe le sol sableux du bout des doigts, puis la roche : ils sont joliment chauds… Singulière réalité ! 
           Pour des raisons de sécurité, il est temps d’engager le processus de remontée suivant un parcours minuté que je connais bien. Allez, en route vers la surface!
           Quelque vingt mètres plus haut, juste avant de rejoindre le platier, je savais trouver une autre source d’aspect différent . Nous franchissons une colonie encroûtante de larges pachyséris bruns aux vastes oreilles coralliennes dont les ombres superposées forment de précieux refuges aux langoustes, crabes et araignées. Curieux et sans méfiance, les crustacés regardent défiler notre caravane vagabonde et pressée… Puis, dans une cassure ensablée nous découvrons la seconde source. Plus petite, mais tout aussi intéressante que la précédente, elle nous retient un instant.
           C’est un véritable divertissement que d’observer ces petits poissons aux reflets gris-argent dont nous découvrons le manège. Tous regroupés d’un seul côté de cette vaste écuelle de corail blanc, un instant immobiles, comme à l’affût, c’est avec un ensemble parfait qu’ils se précipitent brusquement à  l’entrée de la mini-caverne d’où fuse un authentique jet d’eau douce. Bousculés par le tourbillon liquide, refoulés vers l’extérieur, ils parcourent en désordre la clairière et, prestement, reviennent à leur poste d’observation, frétillants et frondeurs.
           L’instant d’après la pratique se répète. L’eau de la montagne leur apporte en une conduite forcée les bribes d’une nourriture qu’ils gobent avidement. Elle doit être bien délectable cette manne, à les voir ainsi se démener… Soudain, dans un crachotement de bulles, une giclée couleur rouille s’exhale et disperse notre banc d’affamés. Tiens… là aussi, la température vient de s’élever !…
           J’ai l’impression que par intermittence, ce bon vieux système central de chauffage pétarade et  se dérègle ! Bah ! ça ne perturbe pas beaucoup nos gourmands, les voici revenus.
            Quant à nous, l’heure du retour s'impose…
           A partir de cet endroit, un léger courant nous permet de regagner sans effort la minuscule baie où le “Speedy”, notre barge en aluminium, est allée jeter l’ancre après nous avoir largués. Abri propice au mouillage, dénommé à juste titre “L’Aquarium” par les pilotes des bateaux à fond de verre - nous y prolongeons nos paliers de sécurité tout à loisir en admirant les évolutions d’un banc de carangues et de vivaneaux venus tout spécialement étudier les touristes massés dans les cages en verre du “glass-bottom”. 
           Rejoindre la base du Centre International de Plongée, le célèbre CIP, ne demande que quelques minutes de navigation à une vitesse raisonnable. Je profite de cette période d’inaction pour dire un mot sur les activités marines que nous venons d’observer et faire admirer la limpidité remarquable du ciel qui se reflète sur la mer :  à l’horizon  la petite île de Montserrat (4) se profile à portée de main… Elle paraît si proche et l’air est si pur que l’on s’étonne de ne pas y apercevoir les traditionnels palmiers. Tiens… Le sommet de Chances-Peak (5), le piton dominant le massif de Soufrière Hills, disparaît dans un long et volumineux nuage aux drôles de reflets orangés. Des fumées volcaniques ? … Bizarre…! 
            Arrivés à terre, douches, rinçage du matériel et bien sûr rituelle séance de rhum-mise en forme chez Loulouze (6) : ti-punch pour tout le monde.
           Nous évoquons notre balade aux Sources Chaudes. Je commente la particularité du phénomène et explique que La Soufrière est en période de réveil. D’après les dires du personnel de la Centrale Géothermique (7), “ Notre Vieille Dame ” affolerait les instruments de mesures telluriques qui enregistrent actuellement d’infimes mais nombreuses vibrations sectorielles, toutes suivies de brèves et importantes variations de la température des eaux internes.
            Devant l’appréhension générale j’en rajoute un peu.
           Sur un ton badin, je confirme qu’un certain nombre d’habitants de Montserrat avaient été évacués - par mesure de précaution - lors des quelques manifestations éruptives survenues ces mois derniers. A la faveur de ces événements, les scientifiques auraient décelé une relation directe favorisant une certaine communication entre les volcans des deux îles (les deux Soufrières). Ils espèrent d’ailleurs confirmer prochainement leurs hypothèses à la faveur du regain d’activité qui s’annonce imminent…!!!
           Avec le minibus nous rejoignons notre village de vacances,  Le Jardin Tropical,  niché dans la verdure, sur les hauteurs de Poirier.     
          De la terrasse bordant la piscine, les plongeurs et leurs épouses contemplent la majestueuse fin du jour. Je les rejoins.
           De l’ouest au nord, la Mer des Caraïbes est embrasée des mille feux du soleil couchant. Au dessus de la baie irisée de vaguelettes or et argent, le ciel bleuté se métamorphose en une nébuleuse rose et ocre. De lourds et menaçants nuages brun-violet s’amassent sur le Golfe du Mexique et reflètent déjà l’inquiétude de la nuit. Transperçant de ses longues flèches rayonnantes cet amas hostile à franges dorées, l’astre radieux résiste à la rouge servitude du crépuscule. Il brille, glorieux et solitaire, au ras de l’océan.  Mais bientôt, les pressions obscures de la nuit deviennent trop fortes. Il s’arc-boute et se déforme. Dans un ultime effort il s’ovalise, résiste encore. Hélas, il agonise bientôt surpris par les ténèbres, inexorablement vaincu, il se précipite dans les flots où il disparaît en projetant une dernière lueur d’espoir : le Rayon Vert !…
           Alors seulement, note après note, s’amorce, s’élève, s’amplifie et se déploie l’étrange et mélancolique concert nocturne des minuscules grenouilles de la Guadeloupe.
           L’ombre tiède et propice de la nuit nous guide tout naturellement vers le bar où resplendit le sourire éclatant de notre barmaid préférée, la charmante Adèle. Daïquiris, planteurs et autres punchs sont de la fête tandis que le disque opalescent de la pleine lune surgit de la colline noire.
           C’est l’heure de vérité… Chacun dispose d’une belle aventure quotidienne à raconter et parmi rires et  commentaires, les anecdotes vont bon train. 
           Je sensibilise de nouveau mon petit monde sur les phénomènes naturels. Je suis surpris de constater que, non seulement aucun  d’entr’eux n’a remarqué le fugitif “ rayon vert ”, mais qu’en fait, tous pensent qu’il ne s’agit là que d’une piètre galéjade.
           J’explique d’un ton rieur qu’il a fallu trente ans à ma fille, Michèle l’Incrédule, pour qu’elle y croit. Je faisais jusqu’alors à ses yeux figure de petit plaisantin lorsqu’un beau soir les auspices favorables nous gratifièrent d’un irréfutable flash émeraude. L’explication en est fort simple: à la fraction de seconde très précise où le soleil disparaît derrière la rotondité de la terre, son ultime rayon jaune traverse une infime épaisseur de l’onde bleue, la conjugaison des teintes provoque une vision optique et fugitive de la couleur… verte.
            Il ne suffit pas de regarder, il faut voir !
            Je pense ne pas faire très sérieux, car ma démonstration verbale donne lieu à l’éclosion d’un discret sourire narquois sur les visages amis. Il est vrai que depuis le jour où je leur ai parlé imprudemment de mon futur moteur à ombre! Mais si voyons... mon invention révolutionnaire qui permettra de se déplacer plus vite que la vitesse de la lumière. Impossible ?… Hé pourtant non…! Souvenez-vous : Lorsqu’en 1954, lors de notre unique rencontre, l’illustre mathématicien Albert Einstein est resté stupéfait lorsque je lui ai exprimé le principe fondamental de ma théorie. La preuve : de surprise (ou d’admiration) devant la simplicité de mon raisonnement il en est “resté baba” (tout le monde connaît bien sûr cette incroyable photo ou mon interlocuteur est “langue pendante” ... pour la postérité !
            - Ah oui... mais non Michel, pas Albert... Voyons, tu veux dire Frank ! ... Frankeinstein... Ah ah ah!
            - Parfait…! Parfait…! Rira bien…!
            C’est l’heure de la soupe... A table ! Bon appétit !
            La conversation continue sur le même registre toute la soirée car, entre deux clairs de lune, de brèves giboulées tropicales se succèdent et annulent notre projet de jouer à la pétanque.
            A propos de pluie en cette saison printanière, alors que nous évoquions les splendides Arcs en Ciel Doubles aux couleurs inversées que nous offrent les fréquentes ondées matinales, je me hasarde au chapitre de l’Arc en ciel Blanc
Nouveaux sourires aux alentours… Pourquoi pas aussi le “triple” ou le “quadruple” pendant que tu y es ?
            Mon désir à convaincre mon entourage de la réalité du fait me pousse, d’un air inspiré, à compliquer  la situation en parlant de l’Arc en Ciel Horizontal. Murmures… Sincèrement, je ne suis pas aidé! Que devient mon prestige de Moniteur, je vous le demande ? Enfin... je crois que par sympathie, si ce n’est pour ma bonne foi, mes arguments sont acceptés : à la renverse subite des coups de vent, la crête déferlante des vagues s’effrite, soufflée par de brusques et sévères rafales à rebrousse poil. Il en résulte un bref “grain de surface”, véritable averse en suspension. Sous bonne incidence solaire, le spectre de la lumière se décompose… au ras des flots… hé oui... à l’horizontale.
             - Et le Cercle en Ciel ? Attention, ne confondez pas le halo plus ou moins grand aux couleurs indistinctes et blafardes qui parfois entoure un soleil brouillé : Avez-vous eu l’occasion de voir resplendir dans les cieux les sept couleurs en un parfait cercle magique. Certainement pas! Comment vous expliquer...? C’est un “arc fermé”... en plein ciel... dont les jambages de l’arche ne se plante pas sur le sol ou dans les flots. Lors d’averses en altitude, la trajectoire des gouttes d’eau est naturellement beaucoup plus longue que vue de terre. La persistance de la chute permet à l’arc de prolonger sa courbe lui offrant ainsi la possibilité de terminer sa trajectoire ensoleillée en formant un anneau complet. Cette réalité atmosphérique est fréquente sous les tropiques, où le soleil perce souvent les nuages de pluies éparses. Elle est d’ailleurs parfaitement connue des pilotes de lignes régionales qui naviguent à bord de petits avions dont le plafond de vol n’excède pas 3 à 4000 mètres.
             - Ah... bon ! Et maintenant, dis… Michel, me demande avec un ravissant sourire ma voisine, la gracieuse Nathalie Marquay (ex-Miss France) si tu nous le racontais, pour voir, ... le fameux Coup du Blanc ?
             Alors là... Il faut absolument me croire, je vous en donne ma parole, c’est la vérité vraie! Oui, oui, parfaitement, même si je dois avouer que la chance était avec moi...!
             Jugez un peu !
            Le temps de reprendre mon inspiration avec un petit verre de “Bailey’s(8), c’est là mon humble défaut, et hop, c’était gagné !
            Mandrake (9)… à toi de jouer !
            Bonimenter, je sais faire. Je me lève de table et j’attaque :
            - Mesdames et Messieurs, Ladies and Gentlemen. Ce n’est pas sans une certaine émotion, oui certes, que ce soir, ici même, pour votre éducation, votre plaisir et à votre plus grand  étonnement, j’ai l’honneur et l’avantage de présenter devant vous, pour la première et dernière fois de votre séjour, la plus remarquable, la plus étonnante, que dis-je... la plus prodigieuse curiosité que vous puissiez contempler dans l’hémisphère boréal : une merveille de la nature va vous apparaître. Vous allez découvrir de vos yeux ébahis, le plus inattendu, le plus fortuit des spectacles que la nature imprévisible puisse vous offrir et j'ose le dire... le spectre le plus rare, l’entité la plus extraordinaire, le plus fantasmagorique des phénomènes....  Suspense...
            - Oui, Mesdames et Messieurs, vous allez assister à la plus surnaturelle des manifestations nocturnes qu’il puisse être donné à vos prunelles de plongeurs vulgaris de contempler dans les profondeurs insondables de la nuit. Pour vous seuls, mes chers Amis, j’ordonne:     
            -  Et qu'à l'instant ...  Je le veux ... sorte de l’Ombre  Infinie ... Le Grand Arc en Ciel Blanc.
             Stupéfaction…!!! Ébahissement...!!!
           Un ove fantomatique, immense et blême se profile sur le ciel noir de la baie assombrie par un grain providentiel. La lune blafarde, délivrée des nuées qui courent sur la montagne, brille maintenant d’un éclat suffisamment intense pour que les deux piliers d’un anémique arc en ciel se rejoignent sous la voûte céleste où scintillent de rares étoiles.
           Il est là… Le Grand Blanc ! Devant nous… Originale vision fugitive qui ne dure hélas... que le temps d’une brève ondée.
           La confiance est revenue.
           Merci Nathalie ! Ton œil de velours avait repéré l'éclaircie dans la horde de nuages qui courraient sur la lune.
           Il faut le faire… simplement saisir la bonne occasion. C’est un métier !!!.
           Il ne manquait que le roulement du tambour.
          J’ai le triomphe modeste, mais avouez que j’ai bien mérité la cape d’honneur du Grand Magicien, aussi je ne tarde pas à disparaître à mon tour. Bonne nuit!
          Le matin suivant, au cours du petit déjeuner sur la terrasse du Jardin, notre souriante hôtesse Marie-Noëlle-la charmante , attire notre attention sur la luminosité très particulière du ciel en mer. L’horizon est reporté à l’infini derrière la Pointe de la Négresse où l’on devine même Nevis derrière l’île de Montserrat. Quelle clarté, c’est magnifique, pas un seul nuage… si ce n’est celui qui couronne, aujourd’hui encore, le volcan, point culminant de l’île dite d’Émeraude.
          - C’est plutôt inquiétant ce panache de fumée ! Je fais cette simple remarque à haute voix mais n’ajoute aucun commentaire…
           La journée de plongée s’écoule, excellente comme il se doit, ainsi que la nouvelle soirée, joyeusement interminable et bien à-rhum-attisée.
           Le lendemain matin, lors de mon réveil, le soleil émerge déjà au sommet de la colline. Tristement, je me pointe en bon dernier à la terrasse du restaurant pour le petit déjeuner. Contrairement à mon habitude, je fais grise mine, ce qui m’attire quelques réflexions humoristiques sur le bienfait des boissons locales… à consommer de préférence avec modération!
           Sans préambule je pose une question idiote :
           - Avez-vous écouté la radio ce matin?
           et sans attendre de réponse, je conclus aussitôt :

           - Ah ! C’est terrible, il n’y a aucun rescapé .
           Réaction immédiate des pensionnaires : silence total.
Puis, bruit de foule, brouhaha de questions… parce qu’ici, loin du monde et du bruit, de toute évidence personne n’écoute les infos, bien sûr, sinon à quoi ça sert d’être en vacances ?
           Je poursuis avec une tristesse infinie dans la voix :
      - Mais regardez la mer… Montserrat...! Disparue !! Engloutie !!! J'explique : Dans la nuit ce satané volcan a explosé et le socle rocheux s’est effondré dans les flots. Un cataclysme sans précédent dans notre époque moderne. C’est effroyable !… En l’espace de quelques minutes l’île entière a été submergée, anéantie, rayée de la  carte du monde !
            Effectivement, la mer est vide, désespérément vide, tout juste tranchée net par la ligne d’horizon vierge et si précise qu’elle semble être là, tout près, tellement proche maintenant qu’elle fait peur, nette et brillante comme une lame de rasoir… au-delà, rien n’est visible, que le bleu du ciel.
            Plus de Montserrat!
          Nos yeux incrédules cherchent en vain une trace, un signe de l’apocalypse...
           Nous scrutons en vain la mer qui resplendit au soleil. Absolument rien ne subsiste de ce que nous avions eu le loisir de contempler hier encore. C’est un désastre total, un effroyable anéantissement, un nouveau Santorin… l’Atlantide du vingtième siècle...
          Le malheur, chape de plomb invisible, écrase notre petit groupe d’un silence que je laisse peser lourdement.
           Mais la vie continue, c'est ainsi…!
           Je précise donc qu’il est inutile dorénavant d’écouter la radio, car devant l’amplitude de la  catastrophe et l’absence totale de témoin - il n’y a pas un seul rescapé - les médias ont décrété un black-out complet de l’affaire.
           - Ben oui… commercialement parlant, Hugo… l’ouragan de l’année 89 a déjà fait assez de mal… on est bien d’accord? Je vous demande comme une faveur personnelle de n'en parler à personne... Moi je l’ai su très tôt ce matin… Je ne peux vous en dire plus. Je compte sur vous, d’accord ? Néanmoins, je vous souhaite, à tous, une excellente journée !
           Paroles difficiles à prononcer… n'est-ce pas ?  Pas pour moi !
          Vraiment les plongeurs sont des gens de confiance, car de toute la journée, aucun bruit relatif au sinistre n’a circulé  à  Malendure-Beach… ni le lendemain... Il faut croire que la grande majorité des gens ne voit rien...
           La météo s’est maintenue au beau fixe, avec la même haute pression atmosphérique pendant quarante huit heures… juste le temps d’oublier… Mais oui !…
             Le troisième jour… six heures du matin.
          Je me lève, et, avec un plaisir non dissimulé, je remarque les traces brillantes d’humidité qui subsistent sur la pelouse devant ma  chambre. Parfait, une ondée providentielle est tombée dans la nuit. D’un simple regard je vérifie que la brume de mer s’est bien annihilée dans l’eau…
           Arrivé le premier sur la terrasse du restaurant pour le petit déjeuner, j’accueille tous les vacanciers, les uns après les autres, et leur annonce la bonne nouvelle :
            Montserrat est ressuscitée.
            L’île a ressurgit des flots !
            Tous les regards se tournent aussitôt vers le Nord.
            Incroyable ! Inimaginable !! Fabuleux !!!
            C’est vrai !… L’île est bien présente. Comment est-ce possible ? Ce doit être une nouvelle explosion sous-marine?… Ce n’est pas croyable ! Elle a une forme identique à l’autre… Et en plus elle déjà toute verte... il y a encore le même petit nuage accroché au sommet de la montagne… Les commentaires vont bon train. Je les entends et je m’en réjouis: la farce a bien pris, le canular est réussi... parfaitement réussi… !
                J’ai beau expliquer, avec un sourire grand comme ça, que l’événement se répète à longueur d’années, maintes et maintes fois, sans que nul, d’ailleurs, n’y porte jamais la moindre attention. Mais plus j’insiste... moins je convaincs !…
           - Je vous assure, en raison d’une certaine pression atmosphérique ce n’était que de la vapeur d’eau accumulée sur la mer qui dissimulait  à notre vue cette île britannique. Elle n'a jamais été engloutie, elle était simplement hors de notre vue suite à certaines conditions climatiques créant une illusion optique...
           Devant l’incrédulité générale à l’égard de mon explication, en silence, j’ai invoqué le Ciel. Dans la matinée, le soleil aidant… l'invisible brume de beau temps est revenue. Et de nouveau Montserrat s’en est  allée…
           Venez à Malendure, soyez sans crainte, quand bien même je ne serais pas avec vous, regardez bien dans la direction du Nord, par delà le Cap de la Négresse, vous serez privilégié :
            J’ai la promesse formelle du Dieu des Brumes de perpétuer le sortilège de Montserrat.


 
NOTA.  Cette anecdote a été écrite en 1994 et à l'époque Monserrat était pratiquement inconnue du grand public. Les éruptions de son volcan, La Soufrière ont commencé en juillet 1995 et la destruction totale de Plymouth, capitale de l'île date du 25 juin 1997. En février 2010 le dôme volcanique s'est effondré et un nuage de poussière s'est élevé juqu'à dix mille mètres d'altitude recouvrant de poussières volcaniques grises les îles voisines dans un rayon de 100 km à la ronde.
                                                                       
(1) Au sujet de cette dénomination pour le moins insolite de “Bouée Anticyclonique” mais au qualificatif parfaitement mérité, il est amusant de noter que cette bouée d’amarrage pour bateaux de plongée était immergée sur un lieux sans nom. Aussi, un soir, au début des années 1990, lors de mon premier séjour au CIP, en riant, j’ai posé la question : Mais, lorsque vous plongez à cet endroit, avez-vous une seule fois supporté les effets d’un cyclone ? Réponse : Jamais ! Alors c’est que la bouée est “vachement “ efficace, ce sera donc “la Bouée Anticyclonique”. Et depuis, c’est son appellation officielle.
 
(2) En octobre 1959 la Calypso, de retour des USA, fait escale à Malendure pour tester la soucoupe plongeante. A -100m de profondeur, au cours du sixième essai de l’engin, Albert Falco se sort par miracle d’un incendie à bord. Le navire océanique est bloqué sur place par cet incident. La plongée est la seule distraction de l’équipage et de son commandant Jacques-Yves Cousteau. Ce dernier émerveillé par la faune et la flore du site, formula l’idée d’y créer une réserve marine. Vœu pieux, le projet fut classé sans suite mais le nom était donné au plus grand bénéfice du site. Il perdure et désigne ces lieux enchanteurs depuis cette depuis cette époque.
 
(3) La Soufrière est le point le plus élevé de la Guadeloupe avec 1467 mètres d’altitude.  Les dernières éruptions  remontent aux années 1956 et 1976-77.
 
(4)    Montserrat, Île d’origine volcanique, est distante d’environ quatre-vingt kilomètres de  la Guadeloupe.

(5)   Chances-Peak, 915 mètres. Point culminant de Montserrat.

(6)   Loulouze est le Bar-Restaurant incontournable de la plage de Malendure.

 
(7)   Construite en 1985, la Centrale Géothermique exploite un forage de 340 m creusé au flanc du volcan produisant un mélange de 20% d’eau  et  80% de vapeur à 240°C.

(8)   Onctueuse et délicieuse liqueur  américaine à base de crème de whisky et de crème de lait.
 
(9)  Mandrake Le Magicien. Héros de l’Âge d’Or de la bande dessinée, créé en 1934 par les américains Lee Falk pour le scénario et Phil Davis pour le graphisme. Voir son portrait dans l'article du 20/07/2009 " Un amateur éclairé ".
 
Les îlets Pigeon vus du sommet de Morne Louis.
0042 Ilets PIGEONS*
 
 
 
 

Mais où est donc Montserrat ?
1918 Ou est MONTSERRAT

 
 
 
 

Le volcan de la Soufrière de Montserrat
avec des fumerolles un soir au printemps 2005.
0272 MONTSERRAT 2005

 
 
 
 
 

Montserrat et son panache de fumée en 2008.
003 Volcan MONTSERRAT

 
 
 
 
 

La Mer des Caraïbes à Malendure
avec l'horizon vide derrière le Cap de la Négresse.
2498 MALENDURE

 
Mais rassurez-vous, le Génie des Brumes est de parole.
Il fera réapparaître Montserrat si vous lui faîtes
l'honneur de venir le voir à Malendure.
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    Une gorgée de rhum, c'est pas grand chose, mais avalée au bon moment, ça peut vous sauver un bonhomme. Georges DUHAMEL (Chronique des Pasquier). Le Rhum du Père LABAT, est distillé sur l'île de Marie-Galante. Étiquette Rhum Père Labat cuvée 2004 Rhum...
  • 1283 . Saint-Barthélémy, boire un petit coup au Select.
    On est savant quand on boit bien. Qui ne sait boire ne sait rien. Nicolas BOILEAU (Chanson à boire). Heure creuse au " Select " donc bien le temps de réfléchir au choix de sa commande ! Que diriez-vous de déguster un " K'a-mis-case " entre amis ... non...
  • 1282 . Saint-Barthélémy, trois coins bien connus.
    Il existe certains coins comme ça dans les villes ... Louis-Ferdinand CÉLINE (Voyage au bout de la nuit). Chez Jojo, à la sortie du cimetière de Lorient, où l'on peut boire un coup bien tranquillement, voir se restaurer. Le Bar de l'Oubli à Gustavia au...
  • 1281 . Saint-Barthélémy, le cimetière devenu célèbre..
    Être l'homme le plus riche du cimetière ne m'intéresse pas. Steve JOBS (À propos de la richesse). Sur une toute petite Île des Caraïbes, Saint-Barthélémy, Un coin du cimetière de l'église de Lorient. Lorient, cimetière fleuri. La tombe de Johnny Halliday...
  • 1280. Saint-Barthélémy, les cinq Cimetières.
    On accompagne ses amis jusqu'au cimetière, mais on ne s'enterre pas avec eux. Clara ROJAS (Captive). Le Cimetière marin de Public. Le cimetière suédois de Public. Le cimetière de Saint-Jean près de l'Aéroport. Le cimetière en bord de mer de Lorient. Le...
  • 1279 . Saint-Barthélémy, Îlets et Îlots.
    ... les eaux étaient semées d'îles, d'îlets et îlots qui constituaient l'Archipel ... Jules VERNE (Le Pays des fourrures). À l'entrée de la Baie de Gustavia Les Trois As de Saint-Barthélémy. Ces trois îlots sont aussi connus comme étant les Trois Saints....
  • 1278 .Saint-Barthélémy Sud-Est et Nord-Ouest.
    Est, Ouest, Sud ou Nord, il n'y a pas de différence. Si vous voyagez intérieurement, vous parcourez le monde entier et au-delà. Elif SHAFAK (Soufi mon amour). Grand Cul de Sac se trouve au Sud-Ouest de Saint Barthélémy. L'Anse de Grand Cul de Sac sur...
  • 1277 . Saint Barthélémy et ses belles plages.
    La sieste sur la plage, les yeux vers le ciel, cette grande solitude. Nina BOURAOUI (La Vie heureuse). Lorient l'un des quartiers les plus connus de Saint-Barth avec sa plage et le cimetière ou repose Johnny Hallyday. La Plage de sable fin de Lorient...
  • 1276 . Saint-Barthélémy, quartiers du Rocher.
    Je fais des voyages passionnants dans mon quartier ... Alice PARIZEAU (Les Militants). Chacun des quarante quartiers de Saint-Barthélémy porte un nom relatif à sa position ou qualification dans l'île. Anse des Cayes pour une partie basse, une plage composée...
  • 1275 . Camions de pompiers.
    Le " pimpon " est l'effet Dopler du pimpant camion des pompiers. François ROLLIN (L'Œil du Larynx). Un Camion des Soldats du Feu d'Ukraine devant sa caserne de Kiew. Camion de Pompiers du District de New-York avec compresseur pour l'eau des lances à incendie....